Critique

LIVRE

Elle a menti pour les ailes - Francesca Serra - critique livre

Le 31 août 2020

Et si, pour exister, le seul moyen était de mettre sa vie en scène sur les réseaux sociaux ? Et si notre valeur était exponentielle avec les "j’aime" et les réactions sous nos photos ? Si tout cela peut paraître bien superficiel, c’est pourtant ce qui risque de causer la chute de la jeune Garance... Un récit choral convaincant, qui dresse le portrait d’une génération.

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Le choix du rédacteur

  • Kirzy 14 février 2021
    Elle a menti pour les ailes - Francesca Serra - critique livre

    A partir de la disparition mystérieuse d’une jeune fille de quinze ans, Francesca Serra tisse une fresque générationnelle remarquable de profondeur, dressant le portrait fin d’une jeunesse hyperconnectée qui n’a jamais connu le monde sans Internet et qui construit sa sociabilité sur les réseaux sociaux. Bien sûr, il faudrait demander à un millénial s’il se reconnaît dans ce qui est dit, certes, mais on sent beaucoup de lucidité et d’authenticité pour parler des ados sans la condescendance de l’adulte qui croit savoir, sans discours moralisateur plombant.

    Garance est une adolescente comme il y en a tant, banale dans sa maladresse, ses ambitions et ses désirs, ni particulièrement brillante, ni décérébrée , raisonnable. Elle est juste d’une beauté renversante et puis « il y a longtemps que Garance attendait de vivre à la hauteur d’un hashtag » ... ce qui finit par arriver lorsqu’elle intègre LA bande star du lycée, une meute menée par la reine du bal, une alpha friquée. Garance croit qu’elle existe enfin.

    On est immédiatement happée par la construction et l’audace de l’auteure qui alterne temps de l’enquête, narration à la troisième personne des événements qui précédent la disparition de Garance, monologue intérieur à la 1ère personne ainsi que des extraits de conversations sur Snapchat, Facebook ou Instagram. Et sans jamais que cela ne sonne artificiel, grâce à une écriture incisive qui pèse chaque mot. le suspense monte jusqu’à ce que toutes les pièces du puzzle se remettent en place et révèlent une vérité bien laide.

    J’ai rarement lu des passages aussi saisissants, crus et tendres sur l’adolescence, actuelle ou passé ( mon livre référence est le formidable Frankie Addams de Carson McCullers ), scrutant au plus près les corps, les émotions, les sensations de ces adolescents. On ressent toute la mélancolie du présent entretenue par l’hyperconnexion, on ressent leur solitude lorsqu’ils se déconnectent, l’angoisse qui les prend à la gorge lorsqu’ils subissent le miroir déformant des réseaux, on ressent le tragique de cet univers structuré en castes où l’exposition permanente de l’intimité sonne comme une injonction pour exister. La violence de la meute anonyme qui dézingue et harcèle derrière son écran apparaît dans toute sa tragédie avec comme toile de fond l’éveil à la sexualité.

    Sans doute le dénouement est-il moins convaincant que tout ce qui le précède, rebondissant dans une direction, certes inattendue mais qui alourdit une intrigue déjà riche et qui n’avait nul besoin d’être surchargée. Mais qu’importe, ce parcours initiatique d’une jeune fille en construction est réellement captivant. J’ai pensé au Elephant de Gus van Sant dans cette saisie puissante du flottement adolescent, entre ennui, détermination et mélancolie. Une grande réussite.

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