Le 14 juillet 2024
Facétieux et théâtral, ce portrait haut en couleur d’un professeur de philosophie raté ne témoigne pas moins d’une Argentine rongée par la crise économique et la chute abyssale du dollar. Une œuvre drôle et originale.
- Réalisateurs : Benjamin Naishtat - Maria Alché
- Acteurs : Julieta Zylberberg, Leonardo Sbaraglia, Lali Espósito, Marcelo Subiotto, Mara Bestelli, Alejandra Flechner
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Argentin
- Distributeur : Condor Distribution
- Durée : 1h51mn
- Titre original : Puán
- Date de sortie : 3 juillet 2024
- Festival : Miami Film Festival, Festival film international Göteborg, Festival San Sebastian 2023, Festival La Roche-sur-Yon 2023
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Résumé : Professeur terne et introverti, Marcelo enseigne depuis des années la philosophie à l’Université de Buenos Aires. Un jour, se présente enfin l’occasion de briller : suite au décès de son mentor, il est pressenti pour reprendre sa chaire. Mais voilà que débarque d’Europe un autre candidat, séduisant et charismatique, bien décidé à lui-aussi briguer le poste.
Critique : D’abord, c’est l’image d’un homme qui tombe. Cet homme règne depuis des décennies sur la chaire de philosophie où il a permis à son jeune dauphin, Marcelo, d’accéder au rang de professeur d’université. Sauf que la promesse de carrière n’est pas si heureuse que cela n’en paraît, forçant les enseignants à combler leur service de conférences privées ou d’interventions dans les quartiers pauvres, afin d’arrondir les fins de mois. Car l’Argentine connaît une nouvelle fois l’une de ses pires crises économiques, avec une inflation galopante, une chute de la valeur de la monnaie du pays et, par conséquent, un État ruiné incapable de payer ses fonctionnaires et ses services publics.
El Profesor est avant tout le portrait sensible d’un enseignant en philosophie qui se voit menacé dans ses fonctions par le retour d’un ancien étudiant, brillant, qui s’apprête à ravir la place laissée par un philosophe décédé. Le film se veut d’abord une mise en perspective d’un portrait d’un cinquantenaire, raté, qui n’est jamais vraiment parvenu à se défaire des traces de son mentor. Il cumule les gaffes à l’instar d’un personnage tout droit sorti du théâtre de Molière ou de la commedia dell’arte. En ce sens, le long-métrage assume avec grâce un point de vue très théâtralisé, où les personnages servent à témoigner de la crise sociale et culturelle qui tétanise l’Argentine.
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Maria Alché et Benjamín Naishtat offrent un film qui n’hésite pas à mélanger les styles et les tonalités. Si l’humour domine, le cynisme et le sarcasme ne sont jamais loin pour critiquer une société intellectuelle, imbue d’elle-même, qui tente de se rassurer en distillant des cours de philosophie à des populations issues des quartiers pauvres. Le long-métrage interroge le paradoxe américain qui réduit ses populations à un seul paradigme, là où en vérité tous les peuples du grand continent se définissent et se réclament d’une très importante multiplicité. D’ailleurs, les références à des auteurs classiques comme Rousseau ou Kant, principalement européens, sonnent comme un contraste pour ces peuples boliviens ou argentins qui écoutent les bonnes paroles des enseignants.
Le long métrage convoque un rire jaune qui se délecte de la farce assez facile dégagée par le personnage principal, et d’une certaine mélancolie face à ces personnes qui ne parviennent pas à exister dans un monde fracturé par la crise économique et sociale. El Profesor se revendique comme une œuvre aussi légère en apparence qu’ironique, où les grands auteurs philosophiques sont convoqués comme des illustrations de l’esprit critique qui manque tant à nos sociétés contemporaines.
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Il y a de la joie assurément dans ce film argentin, mais aussi une grande tristesse qui transparaît dans les traits de ce professeur, désabusé, qui n’a jamais osé se démarquer de son mentor et de ses influences intellectuelles. Il récite les auteurs et les citations à la manière d’un perroquet, sans jamais être capable de dégager une pensée autonome, brillante et radicale. Heureusement, et c’est tout l’enjeu du film, la jeunesse crie sa révolte contre un État argentin ayant défait les services publics, et revendique avec fougue les idéaux perdus.
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