En rouge et noir
Le 17 juin 2019
Bien qu’il signe une peinture corrosive d’une société en pleine dépravation, Benjamín Naishtat ne parvient pas à tirer parti du contexte historique explosif, qu’il a fait le choix de reproduire visuellement pour y développer un thriller.
- Réalisateur : Benjamin Naishtat
- Acteurs : Dario Grandinetti, Alfredo Castro, Andrea Frigerio
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters
- Nationalité : Argentin
- Distributeur : Condor Distribution
- Durée : 1h49mn
- Date de sortie : 3 juillet 2019
- Festival : Festival du film Policier de Beaune, Festival international du film de Saint-Sébastien
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Résumé : Argentine, 1975. Claudio, avocat réputé et notable local, mène une existence confortable, acceptant de fermer les yeux sur les pratiques du régime en place. Lors d’un dîner, il est violemment pris à parti par un inconnu et l’altercation vire au drame. Claudio fait en sorte d’étouffer l’affaire, sans se douter que cette décision va l’entraîner dans une spirale sans fin.
Notre avis : Argentine, 1975. L’affiche nous pose la date de l’action et le pitch laisse lourdement supposer que les troubles politiques que connaissaient alors le pays seront directement liés aux mésaventures du personnage principal. Et pourtant, il faudra véritablement attendre la toute dernière réplique du film pour situer précisément ce contexte historique. Et encore, cet évasif « Un coup d’État va avoir lieu » ne peut être associé à celui de 1976 que grâce à la direction artistique, qui nous a permis de deviner à quelle période se déroule l’histoire.
Avant cela, la situation politique impactée par la corruption n’est, en fait, allusivement évoquée que dans une seule et unique scène (située à la fin de la première moitié du film), qui nous laisse voir un préfet local magouiller avec des Américains. Mais cette scène n’a en fait aucun impact sur l’arc narratif central, celui qui nous fait suivre un avocat, lequel se rend, bien malgré lui, coupable d’un meurtre qu’il fait le choix de dissimuler.
- Copyright Condor Films
Et pourtant, même cette intrigue, assez classique dans un film noir, peine à être exploitée par le scénario. Celui-ci préfère même se concentrer sur les activités professionnelles, faites de manœuvres immobilières malhonnêtes. L’événement survenu en guise de prégénérique ne sera à nouveau évoqué que dans la seconde moitié du long métrage –soit une heure plus tard–, ne laissant pas au suspense suffisamment de temps pour être exploité efficacement.
Le thriller souffre concrètement d’une écriture assez décousue, qui multiplie les pistes aussi inutiles qu’inabouties. Et même si l’ensemble d’entre elles forme une peinture assez cinglante de la société argentine de 1975, le manque de repères contextuels laisse à penser que ces sous-intrigues pourraient tout aussi bien se dérouler de nos jours.
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Et pourtant, certains passages parviennent à profiter de leur mise en scène soignée pour compenser ce manque patent de suspense. Certains effets de ralentis, notamment, permettent de renforcer le malaise ressenti par le personnage principal. Et si ces effets peuvent sembler obsolètes, ils sont en fait le résultat d’un parti pris pleinement assumé, ce dernier conférant au film une allure qui renvoie justement au cinéma des années 70.
Outre cette mise en scène et des accessoires d’époque, c’est tout le travail sur la photographie, qui aboutit à une imagerie telle qu’en procurait la pellicule argentique, mais aussi le mixage son en mono, qui permettent que le film ressemble à un classique, contemporain de sa diégèse. Ses plans les plus emblématiques (dont la plupart sont visibles dans la bande-annonce) nous rappellent notamment l’œuvre de Sidney Lumet ou les premiers De Palma. Le résultat est à la hauteur de l’ambition formelle. On regrette d’autant plus qu’elle ne soit pas mise au profit d’un scénario plus efficace, car les réalisateurs susnommés savaient avant tout construire leurs récits autour d’une intrigue solide, pour en tirer une tension et des émotions palpables. Benjamín Naishtat n’a pas encore ce talent et c’est dommage.
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