L’un des chefs d’oeuvre de Marcel L’Herbier
Le 14 juin 2011
Un mélodrame touchant auquel les procédés techniques innovants pour l’époque procurent une qualité esthétique unique.
- Réalisateur : Marcel L’Herbier
- Acteurs : Ève Francis, Marcelle Pradot, Jaque-Catelain
- Genre : Drame, Mélodrame, Film muet, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Date de sortie : 23 octobre 1921
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– Durée : 1h40mn
Un mélodrame touchant auquel les procédés techniques innovants pour l’époque procurent une qualité esthétique unique.
L’argument : Sibilla, danseuse dans un cabaret andalou, l’El Dorado, est rejetée par le père de son enfant malade qui refuse de l’aider à payer les soins dont il aurait besoin pour survivre. Désespérée, elle tente par tous les moyens de sauver son enfant.
Notre avis : Marcel L’Herbier appartient à ce qu’on a appelé la « première avant-garde » ou encore le « cinéma impressionniste » dans la France des années 1920. Les réalisateurs avant-gardistes étaient également des théoriciens du cinéma et leurs films étaient une mise en pratique de leurs théories. El Dorado est en effet l’oeuvre d’un cinéaste impressionniste où l’Herbier donne à voir et à ressentir l’Espagne d’une manière quasi documentaire. Il retranscrit son amour pour le pays et sa culture à travers notamment le « baile » qui donne son nom au film mais aussi les processions de la Semaine Sainte filmées dans les rues de Séville et les plans de danse gitanes devant la Sierra Nevada. Il explore avec sa caméra les paysages typiques de l’Andalousie et utilise la géométrie des lieux à des fins esthétiques : l’architecture orientale de l’Alhambra de Grenade, ses jardins et ses fontaines lui permettent de jouer avec le cadre, l’eau et la lumière. Pour l’anecdote, c’est d’ailleurs la première fois dans l’histoire du cinéma que le pays autorisait un tournage dans l’enceinte de ce monument.
Dès la scène d’ouverture, nous sommes plongés dans l’ambiance : un cabaret, des danseuses, l’ivresse de l’alcool, la sensualité de la danse, la claquement des castagnettes, les couleurs chatoyantes, la fumée, les costumes extrêmement bien choisis, particulièrement la robe et la coiffure de Sibilla qui donnent réellement corps au personnage interprété par Eve Francis. L’Herbier fait preuve de modernité dans le découpage des scènes (les plans s’enchaînent, s’entrecroisent, les angles de prise de vues diffèrent dans une même scène) mais également dans les mouvements de caméra (panoramique, travelling arrière), incroyablement fluides pour l’époque. L’art de Marcel L’Herbier est de réussir à nous faire aussi bien ressentir l’ambiance sonore à travers le montage et la teinte des images, aidés bien sûr par la bande musicale spécialement composée par Marius-François Gaillard, à partir du montage définitif. La musique tient d’ailleurs une place très importante dans le cinéma de L’Herbier. Il pense que les images seules ne suffisent pas à faire passer l’émotion, elles doivent être sublimées par la musique. C’est pourquoi El Dorado est un « mélodrame », selon son propre terme.
Ce film démontre également l’innovation dont fait preuve L’Herbier en matière d’esthétique et de stylisation de l’image. Il utilise le cinéma, les images, pour retranscrire les pensées et les états d’âme de ses personnages. L’ivresse des clients du cabaret transparaît, par exemple, à travers une déformation de l’image de leurs visages. Un flou partiel utilisé sur la première apparition à l’écran de Sibilla, les autres danseuses autour d’elle étant nettes, traduit la solitude de la mère qui ne pense pas à son prochain numéro de danse mais à son enfant qui agonise à l’étage. Tous ces procédés techniques servent le récit et nous emportent inévitablement vers le drame, la fatalité qui s’abat dans la scène finale d’une beauté saisissante du suicide de Sibilla : une alternance de plans entre le spectacle du pitre Joao, les rires et les applaudissements du public, et Sibilla se poignardant en coulisses, derrière le rideau de la scène sur lequel se profile l’ombre de Joao.
Le film a récemment été restauré (en 1995), offrant aux spectateurs d’aujourd’hui une version très fidèle à celle sortie au cinéma en 1921.
Un extrait :
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