Un film de plus
Le 15 décembre 2022
Méprisant les panneaux plantés à l’entrée des chambres stériles dans lesquelles la plupart de ses adorateurs s’étaient réfugiés après Contagion, Steven Soderbergh continue à nourrir les paranoïaques.
- Réalisateur : Steven Soderbergh
- Acteurs : Catherine Zeta-Jones, Jude Law, Channing Tatum, Vinessa Shaw, Rooney Mara, Ann Dowd, Polly Draper
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Thriller
- Nationalité : Américain
- Distributeur : ARP Sélection
- Durée : 1h46mn
- Date télé : 15 décembre 2022 21:05
- Chaîne : Chérie 25
- Titre original : Side Effects
- Date de sortie : 3 avril 2013
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Résumé : Jon Banks est un psychiatre ambitieux. Quand une jeune femme, Émilie, le consulte pour dépression, il lui prescrit un nouveau médicament. Lorsque la police trouve Emilie couverte de sang, un couteau à la main, le cadavre de son mari à ses pieds, sans aucun souvenir de ce qui s’est passé, la réputation du docteur Banks est compromise…
Critique : S’il est vrai que la filmographie obèse de Steven Soderbergh peut évoquer la cohérence d’une fin de vide-grenier ou la rencontre fortuite entre un risotto aux truffes et un bol de Miel Pops dans l’estomac d’un boulimique au bord de la grande régurgitation, les explications avancées pour décrypter le phénomène (hyperactivité, problèmes financiers, troubles identitaires, incapacité à se trouver un hobby valable) ont toujours échoué à percer le mystère de l’insaisissable faiseur. Et mis à part l’hypothèse des manipulations génétiques (il existerait, quelque part en Géorgie, un complexe industriel rempli de cuves contenant elles-mêmes des dizaines de Soderbergh à naître), rien n’indique qu’un terrien soit un jour en mesure de clarifier le CV d’un homme capable de réaliser plus de films en deux jours que Terrence Malick en quarante ans, ou de produire successivement Contagion et Magic Mike sans inquiéter qui que ce soit, hormis son analyste.
Mais en faisant le deuil d’une unité artistique égarée il y a déjà longtemps entre Traffic et Ocean’s Eleven (peut-être même avant), il est tout à fait possible de distinguer chez SS la veine discount de la haute gamme en observant attentivement l’étiquette de ses derniers nés. Exemple : le trailer d’Effets secondaires indique qu’il a été conçu « par les créateurs de Contagion », et non pas manufacturé « par le génie qui s’est infiltré derrière la braguette de Channing Tatum pour faire sourire son banquier ». D’ailleurs, au-delà du marketing, quinze minutes en présence de l’objet suffisent à prouver que ce thriller cotonneux est à ranger dans la plus belle vitrine de Steven : celle des métrages classieux, bien fabriqués, peints à la main et polis avec toute la ferveur d’un artisan amoureux de la manipulation par l’image.
Oui, Soderbergh est un escroc vertueux, capable de loger dans les entrailles d’un fait divers frigorifique ou d’une fausse charge contre les lobbys pharmaceutiques un polar sournois dont l’accouchement progressif permet à son réalisateur de mettre ses plus beaux plus outils à l’épreuve : fausses pistes, indices à double sens, désynchronisations du son et de l’image, frictions entre le climat et l’objectif des séquences, logiques internes en clair-obscur narratif… on se sait floués, mais sans chercher sous la roche une autre anguille que celle fournie par la chute libre mentale de Rooney Mara (définitivement une surdouée). Habile sans être bavard, Soderbergh sublime un scénario malin à défaut d’être brillant, vous capture l’œil dès les premières séquences, le flatte sans lâcher la bride, et ne détache celle-ci qu’une fois la dernière longueur entamée. Et on insiste sur "longueur".
Parce qu’une fois la brillante contrefaçon effeuillée, Effets secondaires nous laisse avec une demi-heure d’enquête laborieuse sur les bras, et l’on se prend à fantasmer sur la fougue quasi-érotique d’Horst Tappert en regardant Judd Law faire le tour, au ralenti neuronal, d’un complot à tiroirs pleins de twists de seconde zone ou de révélations fracassées dans les profondeurs d’un ennui que seules les sous-investigations de Mickey Détective avaient déjà réussi à tutoyer (même s’il y a un peu plus de baisers lesbiens chez Soderbergh). Après avoir longtemps joué avec nos attentes, Steven s’essuie donc l’objectif sur notre patience et semble quitter le film avant sa conclusion, qui réveillera peut-être votre humour mais pas votre voisin. Là réside peut-être le secret de la prolixité : le cumul d’emplois à temps partiel.
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