Littérature francophone
Le 30 octobre 2002
Un récit qui tourne en rond et qui se mord la queue.


- Auteur : Frank Deroche
- Editeur : Le Dilettante
- Genre : Roman & fiction
- Nationalité : Française

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Réputées pour posséder un certain flair quand il s’agit de dénicher les nouveaux talents, les éditions du Dilettante publient Effets secondaires. Malheureusement, on ne peut pas toujours avoir le nez creux.
Prenez un interlocuteur fantôme et baptisez-le La Boétie. Adressez-vous à lui en l’appelant Étienne afin de suggérer le degré d’intimité (littéraire) existant entre vous. Expliquez que vous seul avez percé la nature véritable de sa relation avec le regretté Michel de Montaigne et démontrez, grâce à quelques citations, qu’il existait un rapport homosexuel entre les deux hommes. Vous utiliserez ainsi un auteur du XVIe siècle comme personnage récurrent dans votre récit, formation universitaire oblige. Les citations en ancien français, plaquées en ouverture de chaque chapitre, sont évidemment les bienvenues.
Inventez-vous quelques maladies et rédigez soigneusement une longue ordonnance personnelle sur laquelle vous inscrirez tous les médicaments nécessaires au traitement. Choisissez de préférence des noms évocateurs comme "Prozac" ou "Témesta". Dans chacun de vos chapitres, il est impératif de citer au moins un nom de médicament. Ne jamais perdre de vue que votre narrateur est un hypocondriaque magnifique, le plus grand devant l’éternel.
N’oubliez pas de faire référence à quelques écrivains à la mode comme Virginie Despentes ou Michel Houellebecq. Surtout, ne les encensez pas, mais ne les dénigrez pas non plus. Après tout, vous n’avez pas encore fait vos preuves...
Enfin, regardez par la fenêtre de votre appartement parisien et notez scrupuleusement ce qui se passe au-dehors. Utilisez de préférence quelques mots savants qui éveilleront la curiosité de votre lecteur potentiel. S’il ne se passe rien, forcez-vous à expliquer qu’il ne se passe rien en glissant dans votre description le nom des médicaments évoqués ci-dessus. Mélangez le tout et rédigez 156 pages que vous baptiserez Effets secondaires.
Voilà les impératifs auxquels semble s’être plié Frank Deroche en écrivant ce premier roman. Compilation d’états d’âme sans intérêt, volonté de s’inscrire en plein dans la littérature contemporaine tout en s’en détachant (curieux paradoxe), considérations nombrilistes en pagaille, désir de s’affirmer comme spécialiste de l’histoire littéraire (l’auteur a rédigé une thèse sur "L’esthétique fin-de-siècle"), Effets secondaires est un monologue permanent entre Frank, le narrateur, et La Boétie, Étienne pour les intimes.
Il est question de maladie bien sûr, du temps qu’il fait ou qu’il fera, et de l’actualité du monde. On slalome ainsi d’une réflexion concernant Monseigneur Gaillot à une autre relative à Hilary Clinton, sans oublier Boris Cyrulnik ou Nicole Notat. Cette liste n’est évidemment pas exhaustive. L’essentiel pour le narrateur est de parler de lui, de sa propre souffrance et de ses petites misères qui, malheureusement, n’empêchent pas la Terre de tourner. Les chapitres s’enchaînent sans grande cohésion, le récit tourne en rond, se mord la queue. L’ensemble finit par être véritablement indigeste et reste sur l’estomac. Vite, un Spasfon !
Frank Deroche, Effets secondaires, Le Dilettante, 2002, 156 pages, 13,50 €