Le 31 décembre 2024
Une chronique attachante, à la fois légère et mélancolique, qui peint avec ironie et bienveillance les derniers feux d’une micro-communauté.


- Réalisateur : Carson Lund
- Acteurs : Keith Poulson, Bill Lee, Keith William Richards, Wayne Diamond, Cliff Blake, Joe Castiglione
- Genre : Comédie dramatique, Film de sport
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Capricci Films
- Durée : 1h38mn
- Titre original : Eephus
- Date de sortie : 1er janvier 2025
- Festival : Festival de Cannes 2024

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Résumé : Alors qu’un projet de construction menace leur terrain de baseball adoré, deux équipes amatrices d’une petite ville de la Nouvelle-Angleterre s’affrontent pour la dernière fois. Face à cet avenir incertain les tensions et les rires s’exacerbent, annonçant la fin d’une ère de camaraderie.
Critique : Coécrit avec Michael Basta et Nate Fisher, Eephus, le dernier tour de piste est le premier long métrage de Carson Lund, jusque-là essentiellement connu comme directeur photo : il a notamment éclairé Noël à Miller’s Point de Tyler Taormina ; les deux films ont d’ailleurs été présentés à la Quinzaine des Cinéastes 2024. Ils ont été produits par Omnes Films, collectif de réalisateurs dont font partie Carson Lund et les artistes précités, et qui souhaite insuffler une nouvelle spontanéité au cinéma indépendant américain. Basé sur des faits plus ou moins autobiographiques (Lund a fait partie d’une équipe de baseball lorsqu’il était étudiant à la Nouvelle-Angleterre), Eephus ne doit pas être considéré comme un énième récit « sur le baseball », à l’instar de l’oubliable Une équipe hors du commun de Penny Marshall, même si ce sport est cher au cinéaste qui lui accorde l’essentiel de sa trame narrative. Le scénario respecte d’ailleurs l’unité de lieu (un terrain de baseball que l’on ne quitte pas, hormis quelques plans), en plus de l’unité de temps, l’échauffement et le match se déroulant de la matinée à la tombée de la nuit.
- © 2024 Omnes Films. Tous droits réservés.
On ne doit pas s’attendre un suspense mirobolant sur les tenants et aboutissants de la compétition, les dialogues révélant plutôt des bribes d’existence et semant des indices sur l’identité des protagonistes, une bande d’amis plus ou moins proches, pour la plupart d’un âge avancé, et plus à même de rêver à la composition de leur future pizza que de chercher à affiner leur prouesse sportive. Concernant l’affranchissement des codes classiques de la narration, le réalisateur précise ainsi dans le dossier de presse : « Je me sens souvent insatisfait devant les tentatives des récits actuels à capturer le désordre de la vie et désabusé par les attentes du public en matière de narration. D’après mon expérience, la vie est un flux d’événements sans ligne narrative claire et très rarement une libération cathartique. Au milieu de tous ces événements, j’essaie d’utiliser le cinéma pour relier les choses entre elles, créer des associations entre les idées et les sentiments ».
- © 2024 Omnes Films. Tous droits réservés.
Le résultat est plutôt convaincant et, entre légèreté et mélancolie, ironie distante et bienveillance, le cinéaste trouve le ton juste dans la description d’une micro-communauté masculine qui s’accroche pour prolonger au maximum une journée qui marquera sans doute la fin d’un espace de sociabilité essentiel à sa cohésion. Plus proche de l’esprit du Cassavetes de Husbands ou du Sean Baker des débuts (Four Letter Words), que du consensuel Grand Bain de Gilles Lellouche, Eephus est aussi une peinture sans complaisance ni mépris d’une certaine classe moyenne américaine, désireuse de maintenir tout un pan d’éléments culturels menacés par la modernité. C’est ce qui fait le prix de ce « petit film », même si, reconnaissons-le, le récit manque de s’enliser dans sa seconde partie, et pas seulement pour le spectateur européen hermétique aux règles du baseball. Au final, Eephus, le dernier tour de piste mérite le détour et nous attendons avec intérêt le second long métrage de Carson Lund.