Le monde perdu
Le 18 juin 2014
Les premiers films de Kalatozov, entre agitprop et expérimentation formelle. Impressionnant.
- Réalisateur : Mikhail Kalatozov (Mikheïl kalatozishvili)
- Acteurs : Aleksandr Djaliachvili, Arkadi Khintibidze, Akaki Khorava, Siko Palavandichvili
- Genre : Documentaire, Politique, Film muet
- Nationalité : Russe
- Editeur vidéo : filmmuseum, Choses vues
- Durée : 1h02mn + 1h04mn
- Titre original : მარილი სვანეთს / Соль Сванетии --- Гвоздь в сапоге
- Plus d'informations : http://www.choses-vues.com/blog/pro...
L'a vu
Veut le voir
Les premiers films de Kalatozov, entre agitprop et expérimentation formelle. Impressionnant.
L’argument :
– Džim Švante / Le sel de Svanétie : dans une région isolée du Caucase, la Svanétie, les habitants vivent dans la misère selon des coutumes ancestrales, privés de sel et à la merci des éléments naturels. Un tronçon de la route qui permettra de mettre fin à cet isolement se construit dans le cadre du premier plan quinquennal.
– Gvozd’ v sapoge / Le clou dans la botte : Au cours d’un exercice militaire, un ouvrier est chargé de transmettre un paquet important à une unité blindée. Il parvient à franchir les fils barbelés mais, obligé d’enlever une botte qui lui fait mal, il fait une pause qui l’empêche d’arriver à temps. Mis au banc des accusés il subit, accablé, le réquisitoire de l’avocat général, mais doit être finalement acquitté car il s’avère que les vrais coupables se trouvent au sein même du tribunal qui s’apprêtait à le condamner : les cordonniers qui ont fabriqués des bottes défectueuses.
Notre avis : La Palme d’Or cannoise de 1958 et le succès mondial de Letyat zhuravli /Quand passent les cigognes ont fait du cinéaste géorgien Mikheïl Kalatozishvili (en russe Mikhaïl Kalatozov) un des ambassadeurs les plus en vue du cinéma soviétique de l’ère post-stalinienne : La lettre inachevée (1960) , Soy Cuba (1964) , La tente rouge (1969), grosse coproduction internationale.
- Gvozd’ v sapoge 1932
Auparavant il avait occupé d’importantes positions officielles (directeur de Lenfil’m, ministre délégué, directeur de Mosfil’m) auxquels ne semblaient pourtant pas le prédestiner un début de carrière mouvementé. En effet, ses deux premiers longs métrages, réalisés à l’époque charnière où les expérimentations du muet cédaient la place aux canons du réalisme socialiste, essuyèrent les feux de la critique officielle qui les taxa de formalisme, qualificatif absolument rédhibitoire comme on le sait. Le premier, Džim Švante / Le sel de Svanétie, fut donc retiré rapidement de la circulation, le suivant, Gvozd’ v sapoge / Le clou dans la botte, resta inédit pendant soixante-dix ans.
Conçu d’abord comme un documentaire sous le titre Usinatlo, Le sel de Svanétie fait souvent penser à Las Hurdes / Terre sans pain de Buñuel, les deux films, quasiment contemporains d’ailleurs, décrivant avec un réalisme cru, halluciné, une région arriérée, coupée du monde, où règnent une misère à peine concevable et des coutumes ancestrales paraissant aussi iniques qu’aberrantes.
- Dzim Svante (Sol’ Svanetii) 1930
Si Buñuel n’hésitait pas truquer son faux documentaire en recourant à la reconstitution et aux raccourcis du montage, Kalatozov est encore moins soucieux d’exactitude factuelle (la coutume du rejet de la femme enceinte,empruntée, semble-t-il , à une autre région du Caucase) et se préoccupe avant tout d’obtenir l’effet émotionnel maximal : images choc (le chien venant lécher le bébé, la tête du cheval mort de crise cardiaque), montage frénétique, martellement du sens par les intertitres.
Ces parti-pris formels violents, que Kalatozov avait défendu dans un manifeste publié en 1928, donnent au film des allures de machine de guerre (contre la religion et l’ancien monde) mais aussi un caractère avant-gardiste revendiquant l’influence de l’expressionnisme et du constructivisme.
Au delà du message politique, le film frappe par la beauté d’une photo parvenant à créer des effets stéréoscopiques et une fascination évidente aussi bien pour les rituels archaïques que pour une nature implacable, face à laquelle les hommes paraissent bien impuissants (la séquence impressionnante de la tempête de neige en juillet).
- Gvozd’ v sapoge 1932
Avec le Le clou dans la botte on est dans l’agitprop pure et dure et Kalatozov met une fois de plus tout en oeuvre pour ne laisser aucune échappatoire au spectateur qui n’a d’autre choix que de s’identifier au protagoniste et de participer à son parcours du combattant, entre champs de mines, barbelés et cours martiale : montage haletant, gros plans de visages ou d’objets, travail sur les cadrages (l’accusateur de face au premier plan, l’accusé recroquevillé au fond), effets de surprise (on n’apprend qu’au moment du procès que la bataille était en fait un simple exercice). Tout cela est terriblement efficace, presque éprouvant par moments et impressionne par un brio auquel il est difficile de résister.
Le DVD
- Dzim Svante (Sol’ Svanetii) + Gvozd’ v sapoge - DVD Filmmuseum
Choses Vues distribue en France l’excellent DVD proposé par Filmmuseum et réunissant ces deux films
Les suppléments
Pas de suppléments video mais un livret de 16 pages contenant un texte de présentation en anglais, signé Sergej Kapterev, un deuxième en allemand, plus approfondi, signé Alexander Schwarz, ainsi qu’une brève biographie (en allemand également) de Kalatozov, une filmographie et des fiches bilingues sur les musiciens.
Les intertitres des films sont en russe. Trois options de sous-titrage sont proposées : allemand, anglais, géorgien.
Le Filmmuseum de Munich édite ce DVD en collaboration avec l’Österreichisches Filmmuseum de Vienne et les Archives Nationales Georgiennes de Tbilissi.
Image
Les menues imperfections dues à l’âge n’altèrent en rien la splendeur photographique de ces films proposés dans d’excellentes copies bénéficiant en outre d’un report irréprochable.
Son
Les deux films étant muets, plusieurs options d’accompagnement musical sont proposées en Dolby Digital 2.0. Celles de Stephen Horne pour Gvozd’ v sapoge et de Günther A. Buchwald pour Le sel de Svanétie sont relativement classiques. On recommandera pour Džim Švante la partition alternative, très suggestive, signée par la compositrice ukrainienne Masha Khotimski qui fait appel à un choeur et s’inspire de chants traditionnels géorgiens.
Galerie Photos
Le choix du rédacteur
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.