Leçon de conduite
Le 13 avril 2014
Une comédie vive et brillamment interprétée dans laquelle survit encore l’esprit du Berlin d’avant la mise au pas opérée en 1933.
- Réalisateur : Reinhold Schünzel
- Acteurs : Anton Walbrook, Olga Engl, Renate Müller, Hilde Hildebrand, Adele Sandrock, Georg Alexander, Fritz Odemar, Hans Richter, Gertrud Wolle, Julius E. Herrmann, Etta Klingenberg, Hugo Werner-Kahle, Gertrud de Lalsky, Anton Pointner, Ewald Wenck, Meta Jäger, Else Reval
- Genre : Comédie musicale
- Nationalité : Allemand
- Durée : 1h30mn
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– Sortie en Allemagne : 26 octobre 1934
– Inédit à Paris. Distribué en province (Est de la France).
Une comédie vive et brillamment interprétée dans laquelle survit encore l’esprit du Berlin d’avant la mise au pas opérée en 1933.
L’argument : Percival, un aristocrate anglais, épouse précipitamment Gerte Winter, une monitrice d’auto-école berlinoise, mais demande à son épouse de ne le rejoindre au château familial que lorsqu’il aura pu annoncer la nouvelle de son mariage à son autoritaire grand mère, Lady Mavis.
Au bout de quelques semaines, lassée d’attendre, la jeune femme se met en route de son propre chef.
En chemin elle rencontre Warwick Brent, l’avocat de la famille Mavis.
Notre avis : Tiré d’un roman à l’intrigue improbable et aux ressorts empruntés au théâtre de boulevard, Die englische Heirat est un produit typique du cinéma allemand des années 30.
- Adolf Wohlbrück et Renate Müller dans Die englische Heirat - R. Schünzel 1934
Ce n’est pas tout à fait une comédie musicale malgré la présence de deux chansons, dont l’une interprétée par Renate Müller dans sa scène d’entrée. L’humour, efficace, y repose largement sur la caricature (la douairière tyrannique qui terrorise son entourage ; la fiancée ridicule massacrant un air d’opéra lors d’une réception ; sa harpie de mère), la prise à contre-pied facile des clichés (l’héroïne qui apparaît d’abord en bleu de travail en train de réparer la voiture qu’elle a construite elle-même et qui est bien plus énergique et décidée que son époux immature), les quiproquos et les retournements de situation imprévus (mais relativement prévisibles).
- Renate Müller dans Die englische Heirat - R. Schünzel 1934
La mise en scène de Schünzel vive, élégante et souvent inventive, évite de trop souligner les gags (le chapeau que le nouvel époux laisse s’envoler en s’embarquant dans l’avion, que l’épouse lui rapporte en Angleterre et qui ne cesse d’être confondu avec celui, plus grand, de son ami et rival). Il lui arrive même de se surpasser et d’approcher de la grâce, notamment dans la fort belle séquence où, sur une scène de music-hall, la vedette Bella Amery (Hilde Hildebrand) entonne la chanson Liebe ist ein Geheimnis - L’amour est un mystère, déjà entendue au générique de début, et que soudain on se retrouve au château face à un poste de radio avec le couple se mettant machinalement à danser et comme ahuri lorsque, la musique s’arrêtant, l’assistance l’applaudit.
- Georg Alexander et Hilde Hildebrand dans Die englische Heirat - R. Schünzel 1934
Le metteur en scène retrouvait ici une partie (Müller, Wohlbrück, Hildebrand, Odemar) de sa troupe du célèbre Viktor und Viktoria, tourné l’année précédente, et sa direction d’acteur sait stimuler une fine équipe de comédiens aguerris qui déploient des dons comiques appréciables et tirent le meilleur parti de dialogues enlevés.
Ce sont ces numéros d’acteurs interprétant des rôles sur mesure qui font avant tout le prix de Die englische Heirat : les éruptions de voix caverneuse de la septuagénaire Adele Sandrock (ex interprète et compagne de Schnitzler) en aïeule autoritaire ; Georg Alexander dans un emploi bien rodé de vieil enfant velléitaire ; le jeune Hans Richter en garnement facétieux ; Hilde Hildebrand parfaitement irrésistible en femme fatale au petit pied (elle a droit à un traitement de star : on entend sa voix au générique mais elle n’apparaît qu’aux deux tiers du métrage) ; l’espèce de gaucherie touchante de Renate Müller, séduisant mélange de vivacité et de sérieux, de gravité même.
Le faux flegme électrisant enfin d’un Adolf Wohlbrück souverain, dont le charisme (privé encore de moustache pourtant) éclatait déjà en Prinz Willibald à la nonchalance distinguée dans la réjouissante comédie militaire Der Stolz der dritten Kompagnie (Sauer, 1931) mais ne se révélait pleinement qu’à partir de Walzekrieg (Berger, 1933) et Maskerade (Forst, 1934) et fait ici des étincelles. Suivront les prestations non moins mémorables dans Ich war Jack Mortimer (Froelich), L’étudiant de Prague (Robinson), Michel Strogoff - Der Kurier des Zaren (Eichberg) ou encore Allotria (Forst) avant la brillante carrière anglaise et internationale sous le nom d’Anton Walbrook (entre autres : Gaslight, Colonel Blimp, Les chaussons rouges, La ronde, Lola Montès ).
Bref : Die englische Heirat n’est sans doute pas tout à fait un chef d’oeuvre mais une appréciable petite perle mineure dont l’éclat ne s’est pas terni et où survivent, après l’instauration de la dictature nazie et sous haute surveillance, le pétillement et la joyeuse effronterie qui soufflaient dans tant de films berlinois d’avant 1933.
- Adolf Wohlbrück et Renate Müller dans Die englische Heirat - R. Schünzel 1934
Pas pour longtemps cependant : Wohlbrück, Schünzel, Ludwig von Wohl (l’auteur), les producteurs Arnold Pressburger et Gregor Rabinowitsch, tous d’origine juive et ne travaillant que par autorisation spéciale du président de la Reichsfilmkammer, Fritz Scheuermann, émigreront bientôt et Renate Müller mourra en 1937 dans des circonstances peu claires.
De nombreuses comédies de ce genre continueront pourtant d’occuper une place de choix dans le cinéma sous contrôle d’état produit en masse en Allemagne jusqu’en 1945. Elle témoigneront souvent d’un savoir faire intact mais, débarrassées des aspérités qui font le prix des fleurons du genre, seront le plus souvent bien inoffensives.
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