Fraternisation avec l’ennemi
Le 3 avril 2012
Une œuvre brillante et subtile sur le temps qui passe et la remise en cause de soi, doublé d’une très belle ode à l’amitié.
- Réalisateurs : Michael Powell - Emeric Pressburger
- Acteurs : Deborah Kerr, Roland Culver, Anton Walbrook, Roger Livesey, John Laurie, Patrick Macnee
- Genre : Drame, Romance, Film de guerre
- Nationalité : Britannique
- Distributeur : Carlotta Films
- Durée : 2h43mn
- Date télé : 22 août 2024 20:50
- Chaîne : TCM Cinéma
- Reprise: 4 avril 2012
- Titre original : The Life and Death of Colonel Blimp
- Date de sortie : 1er avril 1953
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– Année de production : 1943
Résumé : En 1943, des soldats britanniques participant à un exercice de défense de Londres transgressent les règles et ridiculisent le major-général Wynne-Candy, une vieille baderne de l’armée. Scandalisé, ce dernier hurle qu’un tel outrage n’aurait pas été toléré à son époque. En 1902, Clive Candy est alors un jeune officier fougueux, décoré pour ses hauts faits en Afrique du Sud. De retour à Londres, il apprend qu’un Allemand est en train de répandre des rumeurs calomnieuses au sujet de l’armée britannique. Indigné, Candy décide malgré l’interdiction de ses supérieurs de se rendre à Berlin pour défendre l’honneur de la Couronne...
Critique : Quand Michael Powell décide de tourner, avec l’aide de son coproducteur et coscénariste Emeric Pressburger, Colonel Blimp en pleine Seconde Guerre mondiale, le ministère de la Guerre se montre immédiatement choqué du sujet qui présente une figure allemande charismatique, bien qu’elle soit antinazie ; il tente donc d’empêcher le cinéaste de concrétiser le projet. Le Premier ministre Winston Churchill intervint lui-même, agacé par le fait que l’officier allemand soit le personnage le plus lucide du script, en envoyant Laurence Olivier, qui était l’acteur initialement prévu pour jouer le rôle principal, combattre dans la Royal Air Force. Aussi, le tournage se déroule dans une semi-clandestinité et avec des moyens limités qui pousseront même son équipe à emprunter des uniformes à l’armée au lieu de les confectionner pour les besoins des costumes. Après le tournage, les autorités vont tout faire pour en retarder au maximum la sortie ainsi que mutiler la vision de Michael Powell, privant notamment son film de sa structure en flash-back. Ce n’est que qu’au début des années 80 que les spectateurs purent découvrir la version originale, inédite jusqu’à ce jour, et pleinement l’apprécier à son juste niveau, c’est-à-dire comme le chef d’œuvre qu’il est.
Ce classique de Michael Powell doit son titre à un personnage récurrent de bande dessinée publiée à l’époque dans le quotidien Evening Standard. Le film a pour principal point commun avec le serial l’obstination à ne pas vouloir suivre les évolutions des époques. Car le sujet principal du long métrage est celui du temps qui passe et d’un homme qui se refuse à en subir les changements, le tout sur fond d’une longue histoire d’amitié, entre un officier anglais et un Allemand, sur quatre décennies, au début du siècle dernier.
Le vieillissement est ironiquement remarquablement souligné par trois personnages bien distincts joués par Deborah Kerr. Elle investit d’abord les traits d’une femme qui cherche à s’émanciper, puis celle d’une personne qui accède à l’émancipation avant de, finalement, incarner l’image de la femme libérée du joug masculin. Chacun de ces trois visages représentent ainsi l’évolution de la société et apparaissent les uns après les autres, à une période différente et au même âge, ce qui a pour conséquence une impression d’éternelle jeunesse, contrairement aux autres protagonistes.
Les époques changent alors que l’officier anglais vieillissant continue de vivre obstinément avec ses anciens idéaux. Son ami allemand tente de lui expliquer que l’ennemi d’aujourd’hui, le nazisme, n’est plus celui d’hier et qu’il faut inévitablement le combattre autrement : un changement d’angle et de stratégie qui n’est pas naturel pour l’officier en perte de repère.
S’il bénéficie par ces détails et son contexte historique refusant le manichéisme, d’un scénario très subtil et d’une grande richesse thématique, Colonel Blimp est aussi sublimé par d’ingénieuses idées de mise en scène, à l’instar de l’introduction brillante du flash-back de la séquence du bain turc, et par un trio de comédiens principaux formidables.
Bref, un sommet dans l’œuvre de Michael Powell et d’Emeric Pressbuger, ce dernier le considérant même comme le meilleur travail auquel il ait participé.
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