Le 27 août 2020
Une charge mordante contre un zélateur du nazisme devenu, en apparence, un respectable procureur. Le réalisateur du célèbre Les assassins sont parmi nous signe le portrait implacable d’un pays rattrapé par son passé.
- Réalisateur : Wolfgang Staudte
- Acteurs : Martin Held, Walter Giller, Ingrid van Bergen
- Genre : Comédie dramatique, Noir et blanc
- Nationalité : Allemand
- Distributeur : Neue Filmverleih
- Durée : 1h37min
- Date télé : 27 août 2020 13:35
- Chaîne : Arte
- Titre original : Rosen für den Staatsanwalt
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Résumé : Peu avant la fin de la Seconde Guerre mondiale, le caporal Rudi Kleinschmidt est condamné à la peine de mort par un tribunal de guerre pour avoir volé du chocolat. Le conseiller juridique Wilhelm Schramm pense devoir imposer cette peine maximale pour maintenir la discipline. Mais le matin de l’exécution une attaque aérienne permet à Rudi de s’enfuir. Quinze ans plus tard, l’ex-caporal vit tant bien que mal de cartes à jouer qu’il vend dans la rue. Un jour, de passage dans une ville, Rudi reconnaît par hasard Wilhelm Schramm, désormais procureur général.
Critique : Wolfgang Staudte, le réalisateur du mémorable film Les assassins dont parmi nous, symbole de la mauvaise conscience allemande au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, revient plus indirectement sur cette période de l’histoire en privilégiant une tonalité ironique, avec le très oublié Des roses pour le procureur, sorti en 1959. Il s’agit d’une farce sarcastique très efficace, dont la séquence d’ouverture donne le ton. En effet, ce prélude quasi burlesque met en parallèle l’absurdité du jugement prononcé par le commandement militaire nazi et une manière de justice immanente, sous la forme d’un bombardement allié, au moment où le caporal Rudi Kleinschmidt allait être exécuté pour avoir volé... deux rations de chocolat.
Il se trouve que par une inversion des circonstances, qui rencontre le processus de dénazification, le traqueur devient traqué : en l’occurrence, Wilhelm Schramm, ci-devant responsable d’une sentence de mort contre le prévenu Kleinscmidt, est à présent un procureur plutôt gêné aux entournures : il a aidé un professeur, condamné pour propos antisémites, à se faire la belle, et craint que sa hiérarchie, puis la presse, ne lui tombent dessus. Alors, quand l’ancien nazi, faussement repenti, croise à nouveau le chemin de l’homme qu’il avait condamné et qui est devenu un camelot fauché, on est sûr que la charge ironique du récit prendra les dimensions d’un réquisitoire, d’autant que le fieffé dissimulateur plastronne dans l’intimité familiale, surjouant l’inflexible père de famille à principes, lequel chante fort et mal son amour de la patrie, en s’accompagnant au piano.
Le film a le mérite de mettre au centre des enjeux le motif de la mémoire : refoulée pour le bourreau, qui revoit avec un malaise indicible le visage de son quasi supplicié, parfaitement claire pour le bateleur, au point de lui faire interrompre son tour de cartes en public, dès qu’il aperçoit son ancien ennemi. Le procureur est à nouveau pris à défaut lorsqu’il réceptionne un mot qui lui dévoile une identité remisée par ses propres souvenirs, après qu’il a morigéné une femme venue témoigner à la barre, en lui reprochant ses oublis.
Ces deux séquences, d’une grande efficacité, disent l’essentiel : l’hypocrisie des criminels devenus de faux notables, leur propension à écarter par d’autres voies les êtres qu’ils auraient encore anéantis la veille (le magistrat ordonne qu’on expulse le camelot), l’incrédulité d’un entourage qui refuse de voir la vérité en face, comme une version réduite d’une plus vaste amnésie. Mais la remembrance des faits s’impose au criminel, tel le secret qu’il célait : sa présence à la court martiale pendant la guerre.
Si le film s’encombre d’une histoire sentimentale inutile, l’affrontement entre les deux protagonistes engendre des situations d’une mordante ironie, catalysées par la paranoïa du procureur, un sinistre bouffon, qu’une ultime scène de procès se chargera de démasquer par le rire. Même si le jeu des acteurs est inégal, cette œuvre oubliée mérite assurément une réhabilitation.
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