Fin de règne
Le 19 avril 2014
Un attachant portrait intime du roi de Prusse en vieillard misanthrope et mélancolique, qui s’écarte délibérément de toute récupération nationaliste.
- Réalisateur : Gerhard Lamprecht
- Acteurs : Julia Serda, Anton Pointner, Otto Gebühr, Berthold Reissig, Elsa Wagner, Wilhelm Hertwig, Dina Gralla, Heinz B. Klockow, Charlotte Ander, Peter von Hahn, Maria Reisenhofer, Mario Stahl, Carl Zickner, Käthe Haack, Carl Balhaus
- Genre : Biopic, Historique
- Nationalité : Allemand
- Durée : 5h20mn
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– Production : Gerhard-Lamprecht-Film Produktion GmbH (Berlin)
– Tournage : août à décembre 1927
– Visas de censure : 16 décembre 1927 (I) et 23 décembre 1927 (II - interdiction aux mineurs)
– Première : 3 janvier (I) et 20 janvier (II) 1928 Berlin, Ufa-Palast am Zoo
Un attachant portrait intime du roi de Prusse en vieillard misanthrope et mélancolique, qui s’écarte délibérément de toute récupération nationaliste.
L’argument :
– Première partie : Friede / Paix. A la fin de la Guerre de sept ans le roi Frédéric II tente de rétablir la prospérité économique et culturelle de son pays durement éprouvé par le conflit. Mais il doit d’abord régler des querelles dans son entourage familial et à sa cour.
– Deuxième partie : Ausklang / Finale. Lorsque le jeune Joseph II tente de s’emparer de certains de ses territoires, Frédéric II fait mine de vouloir s’engager dans une nouvelle guerre malgré son âge avancé. Mais les combats sont évités et le conflit se règle par la voie diplomatique.
Intrigues mesquines, querelles juridiques et soucis de santé accaparent le Vieux Fritz dans les dernières années de sa vie.
Notre avis : Gerhard Lamprecht (1897-1974) s’est approché très tôt du monde du cinéma puisqu’il fût projectionniste à partir de l’âge de 14 ans et vendit son premier scénario à la Eiko-Film de Berlin en 1914. Il commença aussi, dès cette époque, à acquérir appareils de projection, affiches, programmes et copies de films. Sa vaste collection constituera, avec le fond Albert Fidelius, le noyau de celle de la Deutsche Kinematek, fondée en 1963 et qu’il dirigera jusqu’en 1966.
- Der alte Fritz (Gerhard Lamprecht 1927/28)
Achevé en 1970, son catalogue en dix volumes des films réalisés en Allemagne entre 1903 et 1931 reste un précieux ouvrage de référence.
Son intense activité d’historien du cinéma ne doit pas faire oublier le cinéaste considérable qu’il fut entre 1920 et 1958. Son abondante filmographie embrasse à peu près tous les genres : adaptations littéraires (Buddenbrooks, 1923 ; Madame Bovary, 1937, avec Pola Negri ; Le joueur, 1938 ; Meines Vaters Pferde, 1954) , comédies, films policiers, biographies (Diesel, 1942).
L’excellent Emil und die Detektive (1931), première (et meilleure) adaptation du roman d’Erich Kästner, classique de la littérature de jeunesse, reste son film le plus célèbre, mais Irgendwo in Berlin (1946) qui met en scène des enfants dans les ruines de Berlin n’est pas indigne du film de Rossellini Allemagne année zéro même s’il n’en a pas la force implacable.
Les qualités d’observateur attentif de Lamprecht et ses préoccupations sociales sont à l’oeuvre aussi dans la remarquable série réaliste* (Die Verrufenen, Die Unehelichen, Menschen untereinander et Unter der Laterne) consacrée au petit peuple berlinois et inspirée, entre 1925 et 1928, de l’oeuvre du dessinateur Heinrich Zille.
- Der alte Fritz (Gerhard Lamprecht 1927/28)
C’est à la même époque qu’il produit et réalise Der alte Fritz, ample diptyque historique consacré au roi de Prusse Frédéric II.
On peut s’étonner qu’un cinéaste à la sensibilité de gauche s’intéresse à une figure indûment récupérée dès le dix-neuvième siècle par l’idéologie nationaliste. Mais malgré la présence d’Otto Gebühr, interprète habituel du rôle depuis Fridericus Rex d’Arzén von Cserépy (1922) au point d’y être quasiment identifié, la vision de Lamprecht se distingue radicalement de celle que véhiculeront des films tels que Der Choral von Leuthen de Carl Froelich (1933), Fridericus de Johannes Meyer (1936) ou Der Große König de Veit Harlan (1942).
Le portrait du roi, qui reste la figure centrale tout au long des cinq heures et demie de projection (en deux parties) malgré la foule de personnages et d’intrigues secondaires, sacrifie certes en partie à la légende mais fait ressortir surtout une humanité profonde, une espèce de bonhomie cachée sous des dehors revêches.
- Der alte Fritz (Gerhard Lamprecht 1927/28)
Frédéric II vieillissant apparaît comme un diplomate rusé, soucieux de servir au mieux son pays, mais peu doué pour se faire aimer, vulnérable (commentant le détachement de son favori Lucchesini qui se voit déjà composer une cantate funèbre après la mort : Je ne mérite pas mieux , j’ai renvoyé le brave Catt parce que le visage de l’autre me plaisait davantage), misanthrope, profondément mélancolique. Tout sauf un surhomme.
S’inspirant des gravures de Chodowiecki en une suite de saynètes souvent humoristiques mais marquées du sceau de l’amertume, le film renonce la plupart du temps au souffle épique et au grand spectacle pour adopter un rythme de conversation aimable et sacrifier à un souci d’exactitude maniaque de la reconstitution lorgnant parfois vers le tableau vivant.
Mais il y échappe pourtant par sa volonté d’objectivité et son refus d’enjoliver le tableau, notamment dans la brève scène de la punition du déserteur, censurée à l’époque mais rétablie dans la version restaurée).
Le frémissement de vie et d’émotion qui affleure sans cesse sont la marque d’un cinéaste foncièrement modeste mais qui sait souvent toucher juste.
- Der alte Fritz (Gerhard Lamprecht 1927/28)
* édités en DVD par Filmmuseum
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