Emile et les détectives - la critique

Un film charmant et désuet, plein de péripéties enfantines.

L’argument : Emile est envoyé à Berlin par sa mère avec de l’argent à remettre à sa grand-mère. Mais un voleur s’empare de l’argent dans un train. Une fois arrivé à Berlin, Emile suit la trace du voleur et, aidé par un groupe d’enfants qui se fait appelé "les détectives", il se lance à sa poursuite.

Notre avis : Première adaptation du classique de la littérature enfantine (sept autres suivront), ce film de 1931 a bénéficié au scénario de l’auteur lui-même, Erich Kästner, mais aussi de la participation de rien moins qu’Emeric Pressburger, futur partenaire de Michael Powell et Billy Wilder. Certes, on est loin des œuvres à venir de ces deux-là, et Gerhard Lamprecht n’a pas leur génie. Connu pour ce film qui eut beaucoup de succès à l’étranger, il est surtout célèbre pour sa collection qui fut la base de la cinémathèque allemande. Mais Emile et les détectives est loin d’être indigne.
Évacuons ce qui nous a gêné : la mise en scène est loin d’être inventive, en dehors d’une séquence d’hallucinations délirantes au moment où Emile est drogué, séquence dont les trucages, pas tous naïfs, a beaucoup de charme. Pour le reste, on est souvent dans le fonctionnel, ou disons l’efficacité, malgré quelques idées, comme la farce initiale et muette. En revanche, Lamprecht sait diriger les enfants, qui sont impeccables dans leur imitation amusante des adultes (voir par exemple le service des dépêches). Ce sont curieusement les adultes qui paraissent plus empruntés, plus caricaturaux. Mais le cinéaste parvient à saisir en quelques plans des personnalités, par exemple les voyageurs dans le train, en une galerie amusante et attentive aux détails.

© Splendor Films
L’essentiel de l’action, la poursuite du voleur par la bande d’enfants, se situe à Berlin ; pour un spectateur contemporain, il y a une dimension documentaire à voir cette grande ville dans laquelle les voitures et les tramways voisinent avec les calèches, dans un grouillement permanent, ou le fonctionnement de l’hôtel. De même, plus discrètement, la dureté de la vie est évoquée à deux reprises avec le personnage de la mère. Mais le scénario réussit également à rendre le suspens attrayant par des rebondissements soignés : le portefeuille vide, les « bonbons » versés dans l’eau que le voleur utilise pour ses gargarismes. Sans vraiment se prendre au sérieux, le film accumule les péripéties avec une vigueur communicative. La fin, grandiloquente, perd de cette fraîcheur qui court tout au long de l’ enquête linéaire.

© Splendor Films
On ne sait si les enfants d’aujourd’hui seront sensibles au charme diffus d’ Emile et les détectives, comme l’ont été leurs arrière-grands-parents. Mais le film de Lamprecht réussit à rendre vivante cette aventure désuète et amusante. On y rit moins qu’on n’y sourit, à la manière attendrie dont on feuillette un vieux livre d’images. Mais le sourire se fige quand on sait que nombre des jeunes acteurs sont morts quelques années plus tard sur le front.