Braises et cendres
Le 18 février 2004
David Means dissèque ces moments d’incandescence trouble, quand les vies vacillent ou s’écroulent.
- Auteur : David Means
- Editeur : Albin Michel
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D’une écriture très précise et empreinte d’une certaine froideur, David Means dissèque ces moments d’incandescence trouble, quand les vies vacillent ou s’écroulent.
Ces petits incendies sont autant d’instants qui basculent. Quand les personnages, comme sur ces vieilles photos, sont à la fois là, et absents. Dans "Coït", l’une des nouvelles, un homme fait l’amour à sa maîtresse tandis que lui reviennent les images de son enfance et de la mort de son frère. Ici et ailleurs, l’auteur explore ces insaisissables décalages qui changent la saveur d’un moment, ces brisures soudaines où l’on se révèle autre ou, plutôt, double. Pour nous aider à saisir ces moments de flottements, ces failles parfois infimes, David Means décrit. Les lieux et leurs histoires, les odeurs, les corps et les esprits sont fouillés avec une même précision presque scientifique. Et dans cette série de courts récits, les êtres et l’essence de leurs vies semblent surgir de ces peintures méticuleuses de leur environnement, de leurs habitudes, de leurs gestes.
L’auteur, comme le héros de l’une des nouvelles, est un chasseur de gestes. A la recherche du mouvement parfait, c’est un collectionneur d’instants. Apparaissent les moments parfois minuscules qui changent le cours d’une existence, ou qui influent sur elle, insidieusement, jusqu’à la perte des repères. Ce jeune homme qui, au cours d’une matinée d’angoisse, se remémore les humiliations qu’il a fait subir à un gamin plus faible que lui. Cet autre, au bout du rouleau, qui erre sur une voie ferrée, ou encore ce vieillard à l’hôpital qui, à l’article de la mort, entend dans la chambre voisine des prières en hébreu pour la mort d’une jeune fille. Autant d’instant où les rencontres pourraient se faire, les destins s’inverser, mais où une parole, un geste, le hasard, peut-être, donne aux événements un cours inéluctable, et généralement tragique. Les destins mènent rarement, ici, à une quelconque délivrance. Les vies sont faites de regrets, d’humiliations, de hontes, d’amours déçues ou brisées, de violence et d’indifférence.
Un monde dur, parfois sordide, décrit sans complaisance et sans jugement, où les seuls moments de grâce sont justement ces gestes, ces instants, ces attitudes qui sont tout ce qui reste des êtres après leur disparition.
David Means, De petits incendies (Assorted fire events, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Michel Lederer), Albin Michel, coll. "Terres d’Amérique", 2004, 200 pages, 17 €
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