Parole, parole, parole
Le 12 juillet 2006
Le premier livre de Montesano : une rencontre avec des hommes et femmes en pleine détresse noyés dans le fabuleux magma napolitain.


- Auteur : Giuseppe Montesano
- Editeur : Métailié

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Que trouvons-nous dans le corps de Naples ? D’abord deux trentenaires, Tommaso et Landro, qui cherchent à substituer à la réalité qu’ils subissent une réalité épanouissante et libérée des valeurs convenues du travail et de la famille, une réalité de l’esprit (!). Ils refusent la médiocrité du monde à laquelle, finalement, ils participent par une réflexion saturée de références qui se limite à singer leurs aînés et à élaborer des pseudo-théories auxquelles ils ne croient pas. Landro ne cesse de s’inventer des secrets et ne parle que par ellipses, il ne dit voir que par l’intelligence et, dans le même temps, ne peut se libérer de l’argent de son père. Tommaso prend bientôt conscience du vide des mots, il n’y croit plus et conclut "nous voulions savoir, savoir, mais la vie nous ne la comprenions pas". Alors, ils se détournent du verbe et s’intéressent aux chiffres, aux signes, à l’ésotérisme.
Mais la vanité du mot, et la perte de sens amènent inexorablement à une société de violence incarnée, à divers degrés, par les protagonistes : violence physique de Morvo (contre sa mère qu’il souhaite jeter par la fenêtre), violence orale de Landro à l’encontre de son père, ou celle encore de Tomoleo à l’égard de sa femme allemande. Mais à Naples, la barbarie est toujours accompagnée d’une culture raffinée, deux aspects hérités de son histoire ; un paradoxe que l’on retrouvera dans chaque individu.
Montesano, en usant intelligemment du dialogue et du discours indirect, dresse le portrait d’un monde électrique victime d’incommunicabilité où quel que soit le sujet (culture, insultes, vaisselle, réflexions...) et l’ardeur déployée pour le transmettre, le message ne passe pas. L’écrivain Dominique Fernandez écrivait : "Les Napolitains n’expriment pas une obtuse énergie vitale [...] mais la fragilité, la pathétique labilité de leur être, aux limites de la dislocation et de l’égarement". Montesano à travers ses ouvrages ne fait que rendre compte de cette fragilité et s’improvise brillamment porte-parole d’une ville en pleine détresse.
Giuseppe Montesano, Dans le corps de Naples (Nel corpo di Napoli, traduit de l’italien par Serge Quadruppani), Métailié, 2002, 240 pages 18 €