Le 21 février 2025
Le premier long métrage de Guillermo del Toro est une splendeur, mêlant film d’horreur et mélodrame. On y trouve déjà ses thèmes de prédilection, comme l’amour pour les monstres ou l’enfance en danger.


- Réalisateur : Guillermo del Toro
- Acteurs : Ron Perlman, Juan Carlos Colombo, Federico Luppi, Claudio Brook, Margarita Isabel, Daniel Giménez Cacho, Farnesio de Bernal
- Genre : Fantastique, Épouvante-horreur, Film de vampire, Drame fantastique
- Nationalité : Mexicain
- Durée : 1h33mn
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Date de sortie : 26 février 2025
- Festival : Festival de Cannes 1993

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– Année de production : 1992
Résumé : Au XVIe siècle, un alchimiste invente un étrange mécanisme permettant d’accéder à la vie éternelle. À l’époque actuelle à Mexico, Jesús Gris, un vieil antiquaire, découvre l’horloge de Cronos dissimulée dans une statue. L’objet lui injecte un puissant venin qui lui redonne force et jeunesse, mais le rend dépendant au sang humain. Devenu un monstre, Jesús ne peut compter que sur l’aide de sa petite-fille. Le duo doit lutter contre un richissime homme d’affaires rongé par la maladie, prêt à tout pour posséder le mystérieux appareil.
Critique : Présenté à la Semaine de la Critique du Festival de Cannes 1993, Cronos n’avait jamais connu de sortie en salle en France. Il est distribué pour la première fois en 2025, à l’initiative des Films du Camélia, après une restauration 4K effectuée sous la supervision de Guillermo del Toro. Au vu de la renommée du cinéaste et de la réussite de ce premier long métrage, on peine à comprendre pourquoi le film a été destiné au seul marché vidéo jusqu’à aujourd’hui. Unique réalisation mexicaine de l’auteur, Cronos est d’une limpidité et d’une linéarité louables, tout en se montrant sobre dans ses effets spéciaux, loin de l’esbrouffe narrative et visuelle de nombreux films d’horreur contemporains. Écrit par le cinéaste, le scénario tente une jonction entre le mélodrame et le fantastique, à partir du récit d’un vieil antiquaire (Federico Luppi) en possession d’une horloge conférant un pouvoir de jeunesse, à la condition que son propriétaire se nourrisse de sang humain. Sans être à proprement parler un film de vampires, Cronos en épouse l’argument et les codes, en ajoutant ici une dimension christique. Car le protagoniste se nomme Jesús Gris, ce qui n’est pas un hasard, et répand le bien dans son entourage, composé d’une épouse bienveillante (Margarita Isabel) et d’une petite-fille silencieuse, recueillie après la mort de son père, et qui voue une affection profonde à son grand-père.
- © 2025 Les Films du Camélia. Tous droits réservés.
Ce dernier devra affronter un tueur à gages en mal de chirurgie nasale (Ron Perlman, encore plus bestial que dans La guerre du feu), travaillant pour son oncle cupide et mourant (Claudio Brook, vétéran du cinéma mexicain, vu chez Buñuel). Le récit est efficace, avec en filigrane des thèmes qui annoncent la future œuvre du cinéaste, à savoir l’amour pour les monstres et l’enfance en danger. Et le recours au fantastique et à l’horrifique est déjà maîtrisé par le réalisateur, à qui l’on devra des sommets du genre, tels que L’échine du diable et La forme de l’eau. Dans une conversation avec Olivier Père, Guillermo del Toro se plaît d’ailleurs à citer Truffaut, qui écrivait : « Un cinéaste est-il contenu dans les premiers centimètres de pellicule de son premier film ? » En même temps, Cronos est nourri de références. Le traitement des mutations organiques fait écho au Cronenberg de Scanners, quand la disparition (provisoire certes car bientôt « ressuscité ») du héros, assassiné au milieu du film et caché dans une voiture jetée du haut d’un mur, évoque inévitablement le Hitchcock de Psychose.
- © 2025 Les Films du Camélia. Tous droits réservés.
Mais il faut préciser que Cronos a sans doute lui-même influencé plusieurs cinéastes, notamment par sa thématique de l’éternelle jeunesse et du traitement du corps que l’on retrouve chez une Coralie Fargeat (l’habile The Substance). Enfin, on est frappé par la noirceur ambiante, à propos de laquelle le réalisateur précise dans le dossier de presse : « C’est comme ça que je vois le monde. C’est un broyeur d’innocence et comme tout bon Mexicain, je suis obsédé par la mort. La mort, c’est très bien. Moi, j’ai en quelque sorte hâte d’arrêter d’exister. Je ne dis pas ça de façon morbide. Ça rend la vie encore plus précieuse. » Cette fascination pour l’élément mortuaire est ici tempérée par un humour (certes noir) surprenant, notamment avec le personnage d’un employé de centre funéraire cynique et à l’éthique plus que douteuse. Cronos est donc bien davantage qu’une curiosité pour cinéphile : cette perle de la poésie horrifique est réellement à (re) découvrir, dans des conditions de projection qui rendent justice à l’un des cinéastes les plus passionnants de ces dernières décennies.