Créance de sang - la critique

Critique : Sauvé par le cœur d’une femme assassinée, le profiler Terry McCaleb coule une retraite paisible. Jusqu’à ce que cette "créance de sang" le pousse à reprendre du service. Trop classique, le nouveau Clint Eastwood déçoit.
Vieillissant, un peu fatigué mais toujours prêt à se remettre dans l’action, c’est le lien ténu que l’on pourrait faire entre Clint Eastwood et son personnage Terry McCaleb, une sorte d’inspecteur Harry bien décati au cœur faiblard. Seulement, impossible de mettre ce flic-là au rencard au risque de voir le tueur sombrer dans l’ennui... Comme s’il fallait toujours être deux dans ces histoires. Le serial killer ne peut pas perdre son partenaire de jeu, son vieux traqueur et alter ego n’a pas le droit de se mettre au vert.
L’auteur-réalisateur ne se lasse pas de tourner ces histoires qui lui collent à la peau comme à celle de ce justicier américain, personnage impassible à la démarche nonchalante qu’il incarne sans forcer, comme à son habitude. En s’amusant à revisiter le film policier, Eastwood arrive par défaut à laisser de la place à tous ces rôles secondaires (Jeff Daniels, Angelica Huston, Tina Lifford) gravitant autour du personnage en creux que devient McCaleb.

Dans sa réalisation, Eastwood reste fidèle au genre, mais ne propose rien de neuf. La caméra va au rythme des pas de McCaleb et sait parfois s’arrêter sur trois agents sympathisant autour d’une boîte de donuts. Tous ces moments suspendus, ces "à-côtés" du film sont malheureusement trop rares. Enlevé ce mérite, on tombera assez rapidement dans les poncifs du genre. L’enquête, à laquelle on ne participe qu’avec peine, ne passionne pas, malgré ses quelques rebondissements et indices parsemés de-ci de-là.
On est bien loin du malaise délicieux que pouvait faire naître en nous un Dirty Harry. S’il parvient ici à ménager les contraintes hollywoodiennes et son indépendance (grâce sa propre société de production), Clint Eastwood s’affiche une fois encore comme un réalisateur talentueux, certes, mais à l’œuvre inégale. Sa Créance de sang ne règle pas son compte à un genre comme il avait su le faire avec le dernier grand western, Impitoyable.