Critique  : Après l’indolence confinée d’Étés anglais et d’À rude épreuve, ce troisième opus de la saga des Cazalet délaisse la campagne et le soleil estival pour embrasser les artères londoniennes, les menaces aériennes et les espaces urbains clos et dominés par un ciel lourd de nuages. Les intrigues familiales et les chamailleries enfantines planent encore dans l’air, résonnent comme autant de souvenirs proches, mais déjà passés. Polly et Clary ont grandi, se sont échappés du cocon rural et familial à la suite de Louise, découvrant ainsi le monde adulte et l’indépendance. Loin d’être synonyme de sempiternelle joie, ce départ est aussi marqué par des heurts à surmonter pour les trois jeunes femmes, devenues héroïnes de l’histoire qui se dessine. Louise découvre l’envers du conte de fées ; Polly surmonte un deuil difficile et tâche de se rattacher à ceux qu’elle aime et qui souffrent autant qu’elle ; Clary fait bonne figure et tente de garder espoir malgré les moments de doute, mais peine à éclore dans l’ombre de sa belle et lumineuse cousine. Les autres dames du foyer Cazalet apparaissent comme autant de représentations d’un type de féminité, de la mère esseulée à l’épouse qui redécouvre les joies de la passion, de la fillette qui entre dans l’adolescence à la fille fidèle engluée dans ses obligations. La chronologie de Confusion adopte le lent mouvement résolu du balancier d’une pendule, les années passant dans le regard de l’une des protagonistes, avant que la focalisatrice suivante ne vienne empiéter sur cette continuité et nous ramène quelques mois plus tôt. Entre ellipses, accélérations rythmiques et soudain ralentissement, ce roman balaye la torpeur nonchalante des deux précédents. Villy, Zoë, Rachel, Lydia, mais aussi Diana, Jessica et Sid viennent ainsi relayer les trois jeunes femmes qui mènent le récit, parfois interrompues par les voix masculines, certes très minoritaire dans ce tome-ci, malgré l’importance du patriarcat dans la société anglaise des années 1940 pointé du doigt par Elizabeth Jane Howard. Elle souligne ainsi les difficiles obligations féminines, mais aussi et surtout les désirs libertaires qui se réveillent chez la jeune génération, encore davantage que chez leurs mères.
Confusion est donc le livre de la romance, de l’éclosion de la féminité et de l’envie de se défaire de l’influence des hommes. Jamais l’auteure n’aura été aussi proche de Jane Austen et de ses héroïnes fortes et têtues, touchantes et décidées à mener leur vie, malgré les contraintes de leur temps.