Notre avis : La satire du milieu artistique, pourquoi pas ? Sauf que l’auteur n’est pas le premier à y avoir pensé et que les ficelles de sa pièce se voient comme le nez au milieu de la figure. Trop démonstratif, trop prévisible, le théâtre de Philippe Claudel, c’est comme son cinéma : ça vise beaucoup l’effet, ça cherche à vous extorquer des sentiments et, finalement, on se dit qu’on a déjà vu ça ailleurs et en mieux. La situation d’abord : à la veille du deuxième d’une élection présidentielle (celle de 1981), deux amis, qu’on devine de gauche, débinent le candidat Giscard, seigneur d’un Ancien Monde bientôt voué à disparaître, tandis que son opposant socialiste incarne l’espoir du cercle artistique. Visiblement, Claudel raille cette forme d’euphorie qui, à la veille du 10 mai 1981, s’empara d’un petit cénacle culturel, parisien, dont certains deviendront des artistes officiels, bientôt zélateurs serviles d’une autre forme de monarchie présidentielle. On ne sait si la croyance indéfectible en Mitterrand relève de la lubie superstitieuse, si, à travers le changement politique, les deux personnages augurent l’inflexion de leur parcours artistique contrarié. En tout cas, on n’ignore pas que l’un comme l’autre n’arrivent pas à "percer" dans leur domaine respectif (l’actorat et la littérature). Et l’on prévoit, dès le début de la pièce, que les hommages amicaux dont chacun se gratifie voleront très vite en éclats quand ils auront évoqué leurs parcours et que leurs rancœurs se dilueront dans des incriminations réciproques.
On se contenterait volontiers d’un échange conflictuel qui ne s’embarrasserait pas d’une intrigue, en l’occurrence la vente d’un appartement. Pour tout dire, on n’a pas besoin que le huis clos initial se leste d’un troisième personnage lequel, forcément, sera le spectateur d’une joute et finalement l’élément central d’un comique de situation. Car la crédulité de Duval semble tellement énorme qu’elle paraît anachronique. L’humour conservateur de Philippe Claudel convoque un bourgeois de Molière, idiot au-delà du mot, naïf, prêt à croire que le conflit auquel il assiste est une représentation théâtrale. Le gag s’étire au-delà du bâillement. La gêne lui emboite le pas.
Compromis ressemble finalement au dindon de sa farce : épais, dessiné à gros traits, dépassé.