Calculs meurtriers
Le 26 novembre 2013
Enquête sur l’histoire, l’image et l’impact... des mathématiques. Un documentaire drôle, intelligent et passionnant.


- Réalisateur : Olivier Peyon
- Acteurs : Cédric Villani, François Sauvageot, Anne Siety
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Distributeur : Haut et Court
- Durée : 1h43mn
- Date de sortie : 27 novembre 2013
- Plus d'informations : Haut et court

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L’argument : Les maths vous ont toujours barbé, vous avez toujours pensé qu’être nul en maths était une fatalité, bref vous les avez toujours détestées ! On aurait pu se contenter d’en rire si elles n’avaient pris une telle place dans notre société : Apple, Google, Goldman Sachs ne sont plus qu’algorithmes et formules mathématiques. Comment les maths en sont-elles arrivées à souffrir d’une telle désaffection au moment même où elles dirigent le monde ? À travers un voyage aux quatre coins du monde avec les plus grands mathématiciens dont Cédric Villani (Médaille Fields 2010). Comment j’ai détesté les maths nous raconte comment les mathématiques ont bouleversé notre monde, pour le meilleur… et parfois pour le pire.
- Copyright Haut et Court
Notre avis : Auteur d’un premier long métrage de fiction attachant, Les petites vacances (avec Bernadette Lafont), Olivier Peyon doit à la société Haut et Court la production et la distribution de ce documentaire hors norme. Disons-le d’emblée : que le spectateur soit matheux ou allergique à la matière, il ne pourra être que passionné par ce film, radioscopie du poids des maths dans notre société. Ni documentaire sarcastique à la Michael Moore, ni objet contemplatif sur la pédagogie comme le fut Être et avoir, Comment j’ai détesté les maths a un ton bien à lui dans un genre assez casse-tête. Olivier Peyon est ainsi habile à montrer le décalage entre la passion communicative de mathématiciens de génie (de surcroît modestes et sympathiques) et la machine à broyer des maths, élitiste et (ir)rationnelle, qui fit (et fait encore) les beaux et mauvais jours du système éducatif. Entre la volonté de valoriser l’abstraction et les velléités de donner du sens aux objets mathématiques, entre l’élitisme et la démocratisation, entre le respect envers la recherche fondamentale et les récentes dérives des mathématiciens financiers responsables de la crise des subprimes, le cinéaste pointe admirablement les contradictions et le statut constamment ambigu de la discipline.
- Copyright Haut et Court
« Si on enseignait l’esprit de liberté des maths aux enfants, tous les élèves deviendraient des rebelles ». Ces propos d’un chercheur, ami du cinéaste, illustrent l’objectif du film, qui analyse avec pertinence comment une science basée sur le doute et la remise en cause permanente a pu devenir une arme froide au service des pouvoirs de toute sorte. Le sommet du documentaire est à ce titre le passage sur l’effrayante expérience de l’enseignement des « mathématiques modernes » dans les années 70, à l’origine d’une fracture sociale et intellectuelle d’autant plus flagrante que l’objectif était d’élever le niveau scientifique de la population. Sur le plan formel, Comment j’ai détesté les maths propose un montage maîtrisé, combinant images d’archives, témoignages de spécialistes et plans insolites : on retiendra ainsi ces séquences étonnantes au cours desquelles François Sauvageot, professeur au lycée Clemenceau de Nantes, semble transformer un cours de Maths sup en séance d’expérience et de sensation corporelles... Gageons que Comment j’ai détesté les maths trouvera un large public. Il est déjà l’un des favoris pour le César du meilleur documentaire.