Le 30 août 2015
Le volume 3 des rééditions de l’oeuvre de Werner Herzog couvre la période 1984-2000 pendant laquelle le réalisateur n’est plus sur le devant de la scène. Ses films n’ont plus le même impact, il vit sa traversée du désert. Et pourtant...
- Réalisateur : Werner Herzog
- Acteur : Klaus Kinski
- Nationalité : Allemand
- Editeur vidéo : Potemkine
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- Sortie DVD : 1er septembre 2015
Le volume 3 des rééditions de l’oeuvre de Werner Herzog couvre la période 1984-2000 pendant laquelle le réalisateur n’est plus sur le devant de la scène. Ses films n’ont plus le même impact, il vit sa traversée du désert. Pourtant on aurait tort de bouder les films de cette époque (essentiellement des documentaires) qui creusent le sillon d’un rapport au monde engagé , poétique et mélancolique.
Les films : Ce volume fait la part belle aux documentaires. Il n’en contient pas moins de 10. Herzog nous amène au Nicaragua à la rencontre des enfant soldats qui combattent les sandinistes (La ballade du petit soldat), dans l’Himalaya pour suivre les exploits du grand alpiniste Reinhold Messner (Gasherbrum, la montagne lumineuse), dans le Sahel où on assiste à des cérémonies où ce sont les hommes qui se maquillent et dansent pour séduire les femmes (Woodabee, les bergers du soleil), en Centrafrique sur les traces de l’empereur déchu Bocassa (Echos d’un sombre empire), en Inde à Udaipur à la découverte d’une culture menacée (Jag Mandir), au Koweit pendant la 1ere guerre d’Irak (Leçons de ténèbres), en Russie pour explorer le versant mystique du pays (Les cloches des profondeurs), dans la jungle vietnamienne pour refaire le parcours d’un pilote américain ayant échappé au Vietcong (Petit Dieter doit voler), dans la jungle péruvienne pour suivre cette fois le parcours d’une rescapée d’un crash aérien (Les ailes de l’espoir). Les deux films de fiction nous font également voyager, en Australie pour suivre la lutte d’aborigènes qui luttent pour garder leur terres face aux appétits d’une entreprise d’exploitation d’uranium (Le pays où rêvent les fourmis vertes), en Brésil et en Afrique pour raconter l’ascension et la chute d’un trafiquant d’esclaves (Cobra Verde). On en aurait la tête qui tourne. Cependant derrière cette diversité thématique de surface il y a l’unité d’une oeuvre. Les documentaires et les fictions sont animés d’un même esprit. Ce qui intéresse Herzog ce sont les comportements singuliers ou collectifs qui rompent complètement avec les habitudes rationnelles du monde occidental, jamais évoqué mais auquel on ne peut s’empêcher de penser. Il nous donne à voir des choses étranges qui sont fascinantes. Lorsqu’un aborigène explique qu’on ne peut construire sur un site parce que c’est l’endroit où rêvent les fourmis vertes, ça n’est pas logique, c’est incompréhensible, ça transcende la réalité. Et pourtant de cette étrangeté émane le sentiment d’une beauté en voie d’extinction. Herzog arrive à faire passer ce sentiment, c’est un poète. Alors même si ces films ne sont pas les plus spectaculaires de leur auteur, on est touché par la sensibilité qui en émane. Parfois l’étrangeté dont il est question est moins belle. La folie de Bocassa est terrifiante et guère poétique. Mais il s’agit toujours de quelque chose qui tranche avec la rationnalité. De même, il n’y a rien de reluisant dans la situation d’un pilote qui essaie de survivre dans un environnement hostile. Mais là encore il est question d’un cadre dont on sort, d’une situation extraordinaire, de quelque chose de fascinant et dangereux. On ressort de la vision des films d’Herzog fasciné, ébloui, stupéfait, avec l’intuition mélancolique d’une catastrophe imminente. Il faut dire un mot en particulier sur le documentaire (Ennemis intimes), le film qui remit médiatiquement en selle Herzog en 1999. Le film revient sur les relations chaotiques du réalisateur avec son acteur fétiche Kinski. Le lien en jeu est difficile à cerner, on ne sait jamais trop si c’est de l’amour ou de la haine. Quelque part ce film est comme un écho sur le plan personnel de toutes les réalisations d’Herzog. On comprend que son oeuvre se nourrit exclusivement d’une quête extatique de transcendance, c’est-à-dire d’un sentiment qui va au-delà de la réalité, du bien et du mal. Kinski est à l’image des sujets d’Herzog, animé par une pulsion qui le rend parfois attachant et très souvent monstrueux. A sa manière il transcende le réel. Cette thématique de la transcendance n’est pas nouvelle par rapport à ce que montraient déjà les 2 premiers coffrets, mais ce volume enfonce le clou. L’oeuvre d’Herzog est on ne peut plus cohérente, c’est la marque des grands artistes qui ont une vision.
Les suppléments :
Le volume est encore une fois bien garni. Chaque film est accompagné d’une présentation. Par ailleurs il comprend des entretiens avec Werner Herzog réalisés en 2009 (11 mn) et 2014 (58 mn), un entretien avec l’alpiniste Reinhold Messner (16 mn), des entretiens avec les historiens Dominique Juhé-Beaulaton pour le contexte historique qui sert de fond à Cobra Verde (16 mn), Jean-Pierre Bat spécialiste de politique africaine pour Echos d’un sombre empire (19 mn) et enfin un entretien avec le producteur Pierre-Henri Deleau (3 mn).
L’image
Superbe rendu, sauf pour les images d’archive naturellement limitées à la source (généralement on voit le grain et certaines images sont très déteriorées, mais sur l’ensemble du coffret ça ne représente que quelques minutes). Les films d’Herzog n’ont jamais semblé aussi éclatants.
Le son
Les films sont proposés dans des versions originales anglaises ou allemandes selon le film sous-titrées français (sauf Echos d’un sombre empire en version originale française) en stereo. Le son est clair, de bonne qualité.
Galerie Photos
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