Godzilla contre le 11 septembre
Le 28 février 2011
Un blockbuster expérimental et efficace carburant au rythme des battements de cœur.
- Réalisateur : Matt Reeves
- Acteurs : Lizzy Kaplan, Jessica Lucas, Michael Stahl-David, Odette Annable, Mike Vogel
- Genre : Science-fiction, Thriller, Épouvante-horreur, Documenteur / Found-footage
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Paramount Pictures France
- Durée : 1h30mn
- Date télé : 1er août 2023 00:26
- Chaîne : Ciné+ Premier
- Date de sortie : 6 février 2008
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Résumé : Alors que cinq jeunes New-yorkais organisent une soirée pour le départ d’un de leurs amis, un monstre de la taille d’un gratte-ciel envahit Manhattan... Caméra au poing, ils nous livrent l’unique témoignage de la lutte sans merci qu’ils vont mener pour leur survie.
Critique : Oubliez tous les cyniques qui vont réduire Cloverfield à "un pétard mouillé conceptuel marketé jusqu’à l’os" : cet improbable blockbuster expérimental produit par J.J. Abrams (le créateur de la série Lost) a plus ou moins l’allure d’une bourrasque qui fait trembler la salle de cinéma. Les premières images vont immédiatement faire le tri entre les réceptifs et les réfractaires : un homme et une femme se filment un matin, au lit, comme s’ils réalisaient une sex tape. Certains ne vont pas trouver ça de bon goût. Tout comme ils risquent d’ironiser sur l’omniprésence des publicités au détour de chaque plan volé. En fait, elles servent à plonger le spectateur dans un quotidien qu’il connaît avec des sensations déjà vécues et des images familières. Cela posé, le film atteint un sommet d’efficacité rarement atteint. L’utilisation plus qu’habile de la caméra subjective retranscrit aussi bien le petit matin blafard que la destruction imminente de Manhattan. Les personnages anonymes (campés par des acteurs peu connus) évoluent de manière totalement crédible (l’homme qui essaye de sauver la fille qu’il aime et fonce sans hésiter dans un immeuble sur le point de s’effondrer). La séduction d’une telle proposition réside également dans le refus des explications. Le spectateur ne sait pas - et ne saura jamais - d’où provient cette menace, même si l’ombre du 11 septembre plane avec ostentation (contexte new-yorkais oblige). Certaines séquences (la destruction du pont de Brooklyn, le métro désert, la ville détruite perçue du point de vue d’un hélicoptère) glacent tellement l’échine qu’elles donnent immédiatement envie d’être revues, une fois sorti de la projection.
C’est d’autant plus redoutable d’efficacité que le film fait mine de privilégier l’immédiateté tout en respectant les codes du genre (découverte progressive de la bête, intrigue sentimentale obligatoire) et la contamination d’un univers hyper-concret par le fantastique. Il suffit de voir des badauds excités qui prennent la tête décapitée de la statue de la Liberté en photo avec leur portable pour comprendre que le monde est désormais assujetti à nouveaux systèmes de communication, en oubliant souvent qu’un rien peut ébranler ce réseau performant et que le connecting people ne sert plus à rien.
On peut aussi considérer Cloverfield comme un jeu vidéo désespéré où les personnages ne sont plus d’animation et le game over prend tout son sens tragique. Certains préféreront sans doute l’insolence de Bong Joon-ho et la subversion de The Host qui mettaient à mal toutes ces conventions. Mais on a le droit d’être pétrifié par ce cauchemar éveillé de fin du monde terriblement contemporain et d’être sincèrement ému par les derniers battements de cœur d’une histoire d’amour qui tente de survivre dans un univers devenu en seulement quelques heures totalement sinistré. Les plus rétifs aux débordements sentimentaux apprécieront au moins ce plaisir retrouvé et pourtant typique du cinéma : celui d’être horrifié en toute sécurité.
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