Le 18 mars 2022
On aimerait être en empathie avec cette héroïne résiliente. Mais il s’agit aussi de souscrire à un projet de mise en scène. Et, en dépit d’intentions auxquelles on adhère, on trouve que ce téléfilm multiplie les séquences stéréotypées.
- Réalisateur : Olivier Johan
- Acteurs : Emma de Caunes, Michel Vuillermoz, Yannick Renier, Olivia Ross, Jeanne Rosa, Thomas Vandenberghe
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Distributeur : Arte
- Durée : 1h30min
- Date télé : 18 mars 2022 20:55
- Chaîne : Arte
- Date de sortie : 9 octobre 2020
Résumé : Dans les Côtes-d’Armor, Claire Andrieu, célibataire quadragénaire, mène tranquillement sa vie entre cours de chant, visites à ses proches ou gestion de sa petite agence immobilière. Elle reste à l’écart des hommes, le seul qu’elle fréquente régulièrement est Gwendal son employé trop distrait. Pourtant, arrive un jour Bruno, régisseur venu en repérage dans la région, à qui elle fait visiter plusieurs maisons. Lentement, le charme opère mais Claire reste sur la défensive, allant jusqu’à repousser une invitation de Bruno. La visite d’un couple d’amis, Eléonore et Samuel, donne à Claire une occasion de faire des révélations sur son passé
Critique : Claire est une quadragénaire qui a peur de son premier cheveu blanc et se fait une couleur. Elle est totalement investie dans son travail, mais ce zèle déployé à travers son activité d’agente immobilière cache évidemment une blessure secrète, plus intime, dont le téléfilm va révéler la teneur (au cours d’une scène d’aveu très directe).
Comme il faut à cette femme célibataire un facilitateur pour accéder au stade de la résilience qui, dans un parcours de développement personnel, constitue une étape incontournable, Bruno est le partenaire tout trouvé, barbe de trois jours et décontraction en bandoulière. Les commentaires en voix off du personnage masculin, soutenus par la partition gnangnan d’Alex Beaupain (claviers caressants, guitares douceâtre en mode finger picking, violons mièvres), documentent aussi la relation professionnelle entre un associé lourdingue et cet archétype féminin vu dans plein d’autres téléfilms : le fâcheux s’appelle Gwendal, il s’habille de manière ringarde et ne cache pas son attirance pour sa collègue (Michel Vuillermoz, en mode "je surjoue l’idiot").
Ce respectable téléfilm saute à pieds joints dans tous les clichés possibles, jusqu’au propos d’une automobiliste prise en faute, qui donne du "Monsieur l’agent" au gendarme en train de la verbaliser. On ne se passionne ni pour les repas au restaurant, ni pour ceux qu’on prend en famille, où des désaccords politiques s’incarnent dans des échanges peu subtils, ni pour les visites de maison effectuées par Bruno, qui s’enchaînent avec la même monotonie et les mêmes remarques faussement touchantes de la voix off ("Claire Andrieux dit beaucoup "zou", c’est un petit mot qu’elle aime bien, petit bouton magique pour déclencher la vie, chacun de ses pensées se lit sur son visage"), ni pour les rebuffades programmées d’une femme en souffrance qui révèle, selon un faux paradoxe, son désir latent de pouvoir se raconter, ni pour les scènes qui devraient être émouvantes, mais sont juste mal mises en scène et mal jouées, ni pour les confessions attendues du héros masculin, dans un champ-contrechamp faiblement éclairé. Ce qu’a vécu Claire est terrible, tout le monde en convient. Cependant, il aurait fallu donner à l’évocation de cette expérience traumatisante une forme cinématographique bien plus originale, avec des personnages plus consistants et des dialogues beaucoup moins convenus ("quand on tombe amoureux, c’est toujours la première fois").
A la limite, bouquiner un livre d’Agnès Martin-Lugand produit le même effet, si on n’est pas trop sensible à l’absence d’intérêt artistique.
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jlb333 10 octobre 2020
Claire Andrieux - Olivier Johan - critique
C’est vrai, Claire Andrieux n’est pas passionnante. Elle est banale, terriblement simple. Sa vie, ses activités, ses mots. Ses excès sont banals aussi : boire un peu trop et si souvent, s’agiter, s’énerver, être à cran, s’intéresser aux enfants, tellement. Une vie, des vies, si simples et un film qui semble si simple, sans forme cinématographique originale ni dialogues affutés ou percutants. Et pourtant cette blessure intime est comme un poison, dont les victimes n’ont pas juste le « désir latent de pouvoir se raconter » mais surtout le fantasme que cela n’ait pas existé, Alors à l’occasion, si simple, d’une maison de famille, d’un dîner au chandelle, de pleurs d’un enfant, la blessure fait parler d’elle et la souffrance émerge : colère infinie, honte et fuite et parfois des mots qui jaillissent, un aveu qui claque, vite le refouler. Que ce filme ouvre les yeux de ceux qui le comprendront sur ce que cachent ces symptômes si banals d’excès divers, de colères si faciles et de souffrance possible des amis ou des proches. Alors vous tendrez peut-être l’oreille, peut-être la main et pourrez accompagner dans la patience et la bienveillance. Il est rare que cela se passe au simplement que dans le fin du film. On peut rêver