Chien, plus punk qu’un punk à chien
Le 21 février 2018
Avec l’humour à la fois absurde et subversif qui est le sien, Samuel Benchetrit nous offre une fable animalière pas comme les autres.
- Réalisateur : Samuel Benchetrit
- Acteurs : Vanessa Paradis, Bouli Lanners, Vincent Macaigne
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français, Belge
- Distributeur : Paradis Films
- Durée : 1h30mn
- Box-office : 10 319 entrées France / 5 569 entrées P.P.
- Date de sortie : 14 mars 2018
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Résumé : Jacques Blanchot perd tout : sa femme, son travail, son logement. Il devient peu à peu étranger au monde qui l’entoure, jusqu’à ce que le patron d’une animalerie le recueille.
Notre avis : Cette image de Droopy qui lui colle à la peau depuis maintenant plus de cinq ans, on aurait pu croire, au vu de ses derniers choix, que Vincent Macaigne cherchait à s’en démarquer. Et pourtant, il ne faut pas aller au-delà du plan d’ouverture du nouveau film de Samuel Benchetrit, pour comprendre qu’il est décidé de capitaliser sur ce regard de chien battu qui l’a fait connaitre. Le voir dans ce rôle paraît comme une évidence, tant il parvient à incarner, mieux qu’aucun autre jeune acteur français n’aurait pu le faire, cette fragilité qui caractérise le personnage de Jacques Blanchot, et ce sans tomber dans le registre pathétique.
Cet homme n’est pas un archétype du loser, mais bien un homme comme tout le monde, à la différence qu’il refuse de s’insurger contre les malheurs qui lui tombent dessus. Quand sa femme invente un improbable prétexte épidémiologique pour le quitter ou que son patron lui annonce son licenciement, il ne lui vient pas à l’esprit de se révolter. Dans la façon dont il imagine son déclin social, Benchetrit n’hésite pas à faire de à cette passivité le vecteur d’une déshumanisation qu’il met en images de la façon la plus métaphorique qui soit.
- Copyright Paradis Films
Il faut dire que, dans le petit monde de Jacques Blanchot, rien ne donne vraiment envie de se battre. Son emploi fastidieux dans une boutique qui suinte l’arnaque et sa vie quotidienne, au milieu d’une zone industrielle grisonnante, mais aussi toutes les relations humaines –depuis le maître d’hôtel antipathique jusqu’aux voyous qui rackettent son fils– sont le fruit d’un terrible cynisme de la part de Samuel Benchetrit. Il ne fait aucun doute, qu’avant d’être porté à l’écran, le livre a été écrit en plein épisode de dépression nerveuse. Et pourtant, grâce à l’univers baroque qui est le sien (tel qu’on a pu en prendre pleine mesure dans l’excellent film à sketchs J’ai toujours rêvé d’être un gangster), son adaptation parvient à ne jamais sombrer dans un ton trop pesant.
La métaphore qu’il met en place entre la soumission d’un homme et la condition des chiens fait de plus de son film, au-delà de la comédie loufoque, une véritable fable politique. Samuel Benchetrit y construit un conte selon un schéma qui n’est pas sans rappeler celui de La Métamorphose de Kafka. Dans la pure tradition du surréalisme tragi-comique, on assiste ainsi à la lente transformation de ce monsieur Tout-le-monde en un animal dominé, mais tout en laissant planer, jusqu’au bout, la question de savoir si il s’agit là d’une représentation de sa victimisation ou, au contraire, de sa quête de bonheur.
- Copyright Paradis Films
La partie du film qui se concentre sur cette mutation voit apparaître un personnage clé dans ce processus : le dresseur. Initialement pensé pour être confié à Jean-Claude Van Damme, le rôle a finalement été confié à une autre belge : Bouli Lanners. La façon dont il est filmé le fait apparaître comme un véritable ogre, tout droit sorti d’un cauchemar. Cette incarnation de l’autorité fasciste alimente encore un peu plus le discours politique de ce conte animalier. Quant à la facilité, pour ne pas dire le plaisir malsain, avec laquelle Jacques Blanchot se soumet à cette source de violence apporte évidemment un sous-texte très subversif à cette allégorie de la servilité du peuple à l’égard du pouvoir en place.
Tout le film est ainsi bâti, sur une vision poétique de ce que l’Homme moderne peut avoir de plus médiocre. Tandis que le récit avance, cette vision du monde, qui mêle candeur et cruauté, devient la norme jusqu’à s’achever dans un final de pure émotion, difficilement résistible. Ces ruptures de ton se font avec une fluidité qui est la marque de la parfaite maîrise de Samuel Benchetrit sur son matériau. Le travail d’un cinéaste qui se démarque de la production française classique par son mordant.
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