La chute d’un ange
Le 7 janvier 2004
Un momumental roman jazz pour faire revivre la légende de l’ange foudroyé.
- Auteur : Alain Gerber
- Editeur : Fayard
- Genre : Roman & fiction
- Nationalité : Française
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Sa musique vaporeuse a bouleversé des générations d’amoureux du jazz et pourtant des pans entiers de sa vie restent encore mystérieux. Mais le fantôme de Chet Baker est de nouveau parmi nous grâce au monumental roman jazz écrit par Alain Gerber.
Il y a des êtres dont l’épaisseur humaine semble si difficilement perceptible que l’on ne peut raconter qu’à mots couverts leur existence, des êtres dont le génie et la sensibilité sont tels que nul ne peut dire qui ils ont été réellement et comment ils ont charrié tant de merveilles comme de douleurs. Des êtres qui ont dominé l’histoire de leur entourage et de millions d’inconnus comme des anges passant, impassibles, du haut de leur beauté supérieure.
Chet Baker fait partie de ces êtres d’exception. Alain Gerber, écrivain et jazzophile érudit, s’est donc bien gardé d’établir une biographie du trompettiste blanc qui a marqué à sa façon la grande histoire du jazz. Tout au contraire, il a choisi le genre romanesque afin de saisir le puzzle de la vie et de l’œuvre de Chet.
En quelque six cents pages, l’auteur a ainsi fait la prouesse de peindre cet ange foudroyé au gré d’une succession de témoignages et de monologues pour un grand nombre imaginés. Il n’a ainsi pas hésité à emprunter la voix des grands hommes que furent Charlie Parker, Dizzy Gillespie, Clifford Brown mais aussi celle des proches comme sa mère, Vera Baker ou les épouses successives de cette gueule à la James Dean qui faisait tomber en pâmoison les jeunes filles de la côte ouest dans les années 50.
"Ce gars qu’on a raté d’un cheveu, cette blanchaille qui joue comme on tire la chasse des chiottes, à peine gros comme un cure-dent, il se prend pour qui donc ? Déjà que je les aime pas beaucoup, ces mecs. J’aime pas leur couleur. J’aime pas leurs cheveux filasse. J’aime pas leurs lèvres minces..." Mais Sonny "Slipper" James, le dealer, a fini par choper le trompettiste, toxico et mauvais payeur, et brisa sa mâchoire. C’était en 1968. La carrière du merveilleux interprète de "My funny Valentine" semblait être stoppée en plein élan. Dizzy Gillespie et Miles Davis pouvaient être rassurés, celui que Charlie Parker en personne jugeait être leur concurrent le plus redoutable ne pouvait plus sortir une note de son instrument.
Le silence avait repris sa place. Un comble pour celui qui le traquait sans cesse au fil d’une musique vaporeuse, d’une couleur de brume parce "jouer de n’importe lequel instrument, même de la trompette, c’est jouer du silence". Mais l’homme revint, en apparence insubmersible, de la déchéance de la drogue et des fêlures intimes pour bouleverser de nouveau le monde du jazz avec ses vieilles mélodies qu’il chérissait et magnifiait de son instrument comme de sa voix si poétique.
Mais les anges n’ont pas toute leur place sur terre et l’enfer reprit le dessus sur l’envol. En 1988, le corps de Chet Baker fut retrouvé deux étages plus bas au pied de son hôtel à Amsterdam.
Alain Gerber improvise sur le thème bakerien, écrivant une ronde incessante d’anecdotes et d’histoires plus ou moins vraies, plus ou moins fausses pour s’approcher au plus près de la trajectoire de la légende Chet Baker, cette météorite musicale qui bouleversa tant d’amoureux du jazz.
Ce "roman jazz" n’est pas uniquement destiné aux amoureux de la note bleue, il offre également une peinture inestimable de ce que peut être le génie avec ses aspirations et ses abîmes.
Le livre refermé, la silhouette fragile de cet ange disparu et le timbre incroyablement délicat de sa trompette survolent encore l’espace.
Alain Gerber, Chet, Fayard, 2003, 618 pages, 25 €
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