Charlotte - Éric Warin, Tahir Rana - critique

Critique : Elle s’appelle Charlotte Salomon. Aux algèbres austères, elle préfère la féérie des couleurs et le papier à dessins. La jeune fille allemande est loin des clichés que l’on connaît parfois des artistes. Elle respire la vie, sourit à l’avenir, malgré l’ombre de Hitler qui s’abat sur Berlin et aura raison du destin de millions de juifs. Charlotte n’est pas un biopic ordinaire sur une jeune dessinatrice. C’est avant tout un film d’animation qui recrée, conformément au projet autobiographique de la jeune artiste lui-même, ses œuvres picturales. On ne sait plus brusquement de qui les dessins animés émanent, comme si, finalement, le film de cinéma s’oubliait au détriment du seul souvenir artistique de Charlotte.

Copyright Nour Films

La voix grave et tourmentée de Marion Cotillard s’invite dans l’ombre de la belle Charlotte. La comédienne offre beaucoup d’elle-même dans ce rôle d’animation, ne cessant de se faire deviner à travers la figure aérienne de la jeune peintre. Les réalisateurs auraient pu choisir d’insérer des animations au milieu d’une simple reconstitution. Le choix, au contraire, de l’animation apporte au récit une dimension supplémentaire, forçant finalement les comédiens et les cinéastes eux-mêmes à s’effacer au bénéfice de l’œuvre picturale de Charlotte Salomon. En ce sens, il y a beaucoup de générosité dans ce projet de cinéma qui rappelle que l’horreur nazie n’a pas fait qu’assassiner des familles toute entière, mais a littéralement absorbé des pépites artistiques.

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La beauté se perpétue jusqu’au générique final qui colore de nouveau le film dans son entier. Les œuvres véritables de Charlotte Salomon s’affichent sur l’écran, aux côtés des figures réelles qui ont peuplé l’existence de la jeune peintre. Charlotte constitue un grand moment de cinéma qui saura séduire adultes et enfants en quête d’art et de douceur. Le récit fuit absolument le misérabilisme. L’enjeu est de se souvenir de la barbarie nazie sans jamais la montrer. Tout se joue dans l’urgence pour la jeune artiste de rendre compte de sa courte vie qui témoigne d’une époque française et allemande au bord du précipice.

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Charlotte parle mille fois mieux que les livres d’Histoire ou les manuels d’art. Le film raconte avec brio combien dans la création, l’ombre de l’artiste lui-même s’invite dans les œuvres. Le récit de Charlotte témoigne à la fois de l’ancrage profond de l’actualité dans un tableau, de la même manière il décrit ce qui fait qu’une œuvre traversera les époques et pourra être taxée d’universelle. Voilà donc un film qui donne à rêver et à redécouvrir les dessins d’une artiste infiniment touchante.