Le 5 janvier 2022
Le roman lauréat du Pulitzer 2021 offre une incursion bouleversante au sein d’une réserve indienne, dans les bois, non loin de la corruption des grandes villes, et dans le passé de Louise Erdrich, qui s’inspire ici de son grand-père.


- Auteur : Louise Erdrich
- Collection : Terres d’Amérique
- Editeur : Albin Michel
- Genre : Roman
- Nationalité : Américaine
- Traducteur : Sarah Gurcel
- Prix : Pulitzer
- Titre original : The Night Watchman
- Date de sortie : 5 janvier 2022
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
Résumé : Dakota du Nord, 1953. Thomas Wazhashk, veilleur de nuit dans l’usine de pierres d’horlogerie proche de la réserve de Turtle Mountain, n’est pas près de fermer l’œil. Il est déterminé à lutter contre le projet du gouvernement fédéral censé « émanciper » les Indiens, car il sait bien que ce texte est en réalité une menace pour les siens. Contrairement aux autres jeunes employées chippewas de l’usine, Pixie, la nièce de Thomas ne veut pour le moment ni mari ni enfants. Pressée de fuir un père alcoolique, insensible aux sentiments du seul professeur blanc de la réserve, comme à ceux d’un jeune boxeur indien, elle brûle de partir à Minneapolis retrouver sa sœur aînée, dont elle est sans nouvelles.
Critique : Louise Erdrich rend hommage à ceux qui sont et non à ceux qui ne sont plus. Elle insuffle la vie au cœur de ses pages, y fait tourbillonner le vent de la liberté et des premiers émois, enfler les vagues de l’insurrection pacifique, instille l’odeur de la mousse et du sous-bois, de la sauge et du genévrier. Les Indiens Chippewas de Turtle Mountain, en 1953, sont menacés par le Congrès et sa Résolution 108, qui prévoit de les « terminer ». Par-là, s’entend l’assimilation forcée, l’expulsion de leurs terres déjà si pauvres, l’effacement de leur identité amérindienne, de leurs croyances. Traversé par les silhouettes luminescentes de ceux dont l’esprit hantent encore les vivants, Celui qui veille est un roman polyphonique, vibrant, où se mêlent les voix de jeunes et d’anciens de la réserve, dans un tourbillon mélodieux et envoûtant.
Thomas Wazhashk, inspiré du grand-père de l’autrice, donne son nom au roman. Veilleur de nuit et président du conseil tribal, il protège son peuple, lutte pour les siens. Sa nièce, Pixie, s’ébroue pour trouver sa place, se défaire enfin de ce surnom de lutin et recouvrer son patronyme de naissance, celui qui sera son nom d’adulte : Patrice. Elle travaille comme ouvrière dans l’usine de pierres d’horlogerie où Thomas enchaîne les rondes la nuit venue, et fait tourner les têtes, chavirer les cœurs, croître les rivalités et les désirs. L’entraîneur de boxe, l’unique Blanc sur ces terres, n’est pas le seul à avoir succombé à ses charmes, mais Patrice est habitée par des tempêtes intérieures qui l’éloignent et la protègent de l’avidité des hommes. Sa sœur hante ses rêves. Elle semble s’être dissoute dans l’air, n’ayant laissé dans son sillage que ses éclats de rire passés, sans que ses proches ne sachent ce qu’elle est devenue, sans doute énième victime de l’inconstance concupiscente des hommes. Bouleversée par sa volonté de devenir elle-même, enfin, par son inquiétude pour son aînée, assaillie par les attentions de ses prétendants, et bientôt avertie par son oncle du danger qui plane sur toute la tribu, Patrice concentre à elle-seule l’ensemble des luttes que ce roman met en scène. Loin d’être la seule focalisatrice, celle qui rencontre des situations étonnantes et parfois stéréotypées pour mieux dénoncer, est secondée par Thomas, ses courtisans, sa mère, sa sœur et toutes les autres âmes de Turtle Mountain, dont les couleurs chatoyantes font ondoyer Celui qui veille, le parent de reflets irisés, semblables aux ondes de la rivière, aux feuillages agités par le vent et embrasés par l’automne. Quête identitaire, familiale, politique, ce livre est en outre porté par les métaphores qui fleurissent ses pages, font flotter les esprits de ses protagonistes sur le vent et sur l’eau, embrassant les arbres et respectant les bêtes.
560 pages - 24 €
140 mm x 205 mm
Spitfire89 26 janvier 2025
Celui qui veille - Louise Erdrich - critique du livre
Fiction historique de Louise Erdrich qui s’inspire de la figure de son grand père maternel, un amérindien né dans une réserve. Une intrigue qui aborde la vie des peuples autochtone des USA.
Avec ce portrait d’une communauté amérindienne déterminée, nous suivons Thomas Wazhushk, veilleur de nuit installé dans une réserve dans le Dakota du Nord. Une plume magnifique et bouleversante, une incursion historique avec les peuples indiens. Les personnages sont cabossés et ordinaires, quelques pointes d’humours, un hymne à la mémoire, racisme et émancipation.
"La spirale de violence paternelle avait pesé sur la majeure partie de sa vie. Et la menace s’était à présent évanouie. Envolée à la mort de son père. elle n’avait pas mesuré combien c’était lourd."
"On a survécu à la variole, à la carabine à répétition, à la mitrailleuse Hotchkiss et à la tuberculose. A la grippe de 1918 et à quatre ou cinq guerres meurtrières sur le sol américain, et c’est à une série de mots ternes que l’on va finalement succomber ?"