Brèves de comptoir - la critique du film + le test DVD

L’adaptation sur grand écran des célèbres brèves recueillies dans les cafés par Jean-Marie Gourio offre une comédie douce-amère qui ne cache pas le drame de la solitude et de l’alcoolisme où il semble bien facile de tomber.

L’argument : Une journée de la vie du Café L’Hirondelle, sur une petite place de banlieue, en face d’un cimetière. De l’ouverture à 6h30 du matin jusqu’à la fermeture à 22h30, les clients entrent, boivent, parlent, sortent, rerentrent, re-boivent et reparlent de plus belle. Ils composent un drôle d’opéra parlé, une musique tendre et cocasse, un cantique de pensées frappées au coin du plaisir d’être ensemble, un verre de vin blanc à la main. Le génie populaire danse.

Notre avis : L’auteur des Brèves de Comptoir (publié aux Editions Michel Lafon en 1988) Jean-Marie Gourio et le réalisateur et scénariste Jean-Michel Ribes évoquent ce long-métrage comme "Le film le plus parlant depuis l’arrêt du cinéma muet" ! Cette adaptation fort réussie montre bien qu’ils ont raison, puisque ce huis clos sympathique prend place dans un bistrot où plus de 70 comédiens se croisent, dialoguent, se disputent, déjeunent, boivent...et surtout parlent ! {{© Christophe Brachet}}Véritable miroir de notre société, entre les conversations sur la politique, la vie courante, les impôts, le chômage, entre autres préoccupations, chaque parole est une maxime comique, parfois pince-sans rire et tirant souvent vers l’humour noir. Célébrant la magie de la langue française et invitant à la communication, surtout lorsque les réflexions des uns et des autres sont aussi savoureuses, le film s’approprie ces remarques entendues par Jean-Marie Gourio dans les bars et les cafés. {{© Christophe Brachet}}Prenant vie dans le cadre d’un bistrot parisien, situé en face d’un cimetière et tenu par l’impeccable Didier Bénureau et son épouse à l’écran Chantal Neuwirth, la journée dépeinte dans le film s’étire, alors que la caméra bouge au rythme des déplacements autour du bar. La mise en scène permet aux acteurs de jouer avec l’espace et de prendre possession du café, évoluant comme si les clients qu’ils interprètent étaient chez eux. Ce qui est précisément l’idée ! {{© Christophe Brachet}}L’objectif est bien d’ancrer le plus possible ces morceaux choisis dans une réalité concrète. Le succès des Brèves de comptoir repose avant tout sur le fait que chacun peut s’y reconnaître et savourer ces petites phrases sous toutes ses formes. Après avoir ravi les bibliophiles, les amateurs de théâtre ont profité des Brèves de Comptoir sur les planches. La télévision s’est
servie de certains extraits pour la série Palace, la série de Jean-Michel Ribes. Il ne manquait plus que le grand écran, avec la crème de la crème du cinéma français, certains comédiens ayant déjà interprété ces maximes au théâtre. {{© Christophe Brachet}}Il en résulte une comédie douce-amère, qui cherche à faire rire tout en exposant les ravages de l’alcoolisme et l’extrême solitude dans laquelle sont plongés les personnages, au point de passer leur journée dans ce bar où ils trouvent une famille et, surtout, quelqu’un pour les écouter. En installant le décor de ce bistrot très familier en face d’un cimetière, le film ne cherche pas à cacher les drames de la vie derrière de belles phrases mais plutôt à évoquer les réalités de l’existence et son aboutissement. {{© Christophe Brachet}}Il est donc fort dommage que cette journée dans un bar pourtant chaleureux paraisse aussi longue aux spectateurs. Le choix d’un film de 1h40 n’était peut-être pas approprié, le public étant plutôt habitué au format court pour déguster ces brèves. Savourant bien volontiers ces maximes qui s’enchaînent à un rythme effréné, il faut bien reconnaître que, peu à peu, il devient difficile d’être vraiment attentif à la pertinence de chaque phrase. Reste le plaisir de profiter pleinement d’un casting exceptionnel, dont les comédiens interagissent avec facilité et brio. Le cinéma français n’a décidément pas fini de nous surprendre !

Le Test DVD

Edition standard d’une comédie de bistrot qui saura satisfaire les amateurs de l’esprit hara kiri.

Les suppléments :

Il est toujours passionnant d’écouter Jean-Michel Ribes évoquer la France, qu’il dissèque avec esprit dans un entretien de 22mn, en compagnie du créateur des brèves, Jean-Marie Gourio, grand nostalgique des bistrots. Retour sur la genèse des Brèves, avec une évocation des publications d’Hara Kiri. Le duo nous fait part des difficultés de porter pareil projet à l’écran, notamment trouver la bonne troupe pour incarner ces brèves à l’écran, qui nécessitent une diction particulière, entre mélancolie et franche drôlerie. Le duo affirme s’affranchir du théâtre filmé pour imposer un format de "western", en Scope. Point de vue intéressant.
On est moins satisfait du montage d’extraits des Brèves, dans Palace, avec Jean Carmet, à peine 1mn... C’est frustrant. On n’est pas fan du bêtisier présent sur la galette, mais satisfait de la présence de la bande-annonce.

L’image :

Copie optimale : la colorimétrie est mesurée, les teintes sont soignées et l’unité de lieu bien exploitée, avec des décors qui baignent dans une netteté très appréciable, qui pare même l’image d’une certaine profondeur.

Le son :

Dolby Digital 5.1 qui sait se montrer pertinent en distillant des touches de musique sur les enceintes frontales. Bonne distinction des sons et des notes musicales. Les arrières sont peu fréquentées.