Le 8 mai 2015
Le second film de Dino Risi, même s’il est inabouti, vaut par son regard tendre et cruel sur le monde du cinéma et ses aspirants comédiens.
- Réalisateur : Dino Risi
- Acteurs : Marcello Mastroianni, Terence Hill (Mario Girotti), Cosetta Greco, Nerio Bernardi, Corrado Pani, Maria Pia Casilio, Liliana Bonfatti, Piera Simoni
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Italien
- Distributeur : Tamasa Distribution
- Editeur vidéo : Tamasa
- Durée : 1h24mn
- Titre original : Viale della speranza
- Date de sortie : 8 avril 1959
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– Année de production : 1953
Résumé : Un groupe de jeunes, vivants dans une pension à Rome, rêve de se faire une place dans le monde du cinéma : Franca et Luisa, actrices en quête de reconnaissance, Tonino réalisateur en herbe et Mario, chef opérateur. Les choix et illusions de ces aspirantes stars du cinéma vont se confronter à la difficulté de se faire une place dans un milieu sans pitié...
Critique : On peut voir Boulevard de l’espérance comme le pendant du Boulevard du crépuscule hollywoodien : là où Billy Wilder portait son regard cruel sur l’après-vedettariat, Dino Risi suit trois apprenties comédiennes, Luisa, Franca et Giuditta, chacune représentant un type singulier, dans ce film doux-amer, comique et âpre. Le réalisateur garde certains principes du néoréalisme, comme le tournage en extérieurs ou l’attention aux petites gens, mais, et c’est ce qui en fait une œuvre passionnante, il cherche une voie autre, et l’on retrouve par moments des annonces de ce qui deviendra la « comédie italienne » quelques années plus tard. Certes, les conventions de l’époque montrent qu’il s’agit encore d’un galop d’essai, ou plutôt d’une sorte de brouillon : le jeu des actrices, très daté, la voix off qui ouvre et conclut le film en généralisant le récit, ou l’utilisation de la musique agacent le spectateur contemporain. Mais si l’on passe sur ces scories inévitables chez un cinéaste quasi débutant (c’est son second long-métrage), on ne peut qu’être séduit par le ton, à mi-chemin entre l’amertume et la tendresse. Il y a, déjà, une manière unique de regarder les personnages, dans leurs errements et leurs faiblesses, à la fois comme des types, et comme des humains touchants.
Trois destins, donc, dans ce film d’apprentissage et de formation : Franca, dédaigneuse et jalouse, choisit la fortune ; Giuditta retourne vers son fiancé et la province, après avoir symboliquement déchiré la photo d’ Errol Flynn ; enfin, Luisa, la plus fragile, est la seule qui fera peut-être carrière à Cinecittà, miroir aux alouettes où végète une faune colorée, désabusée et cruelle. Dino Risi les filme à hauteur d’homme, dans un élan de compassion et de tendresse. S’il réserve à Franca quelques plans assassins, on sent que, malgré l’aspect conventionnel du personnage, il partage l’adage de Renoir selon lequel chacun a ses raisons. Par petites touches, il décrit un environnement pauvre où il faut piétiner les autres pour réussir ; c’est l’une des grandes forces du film de croquer une série de trognes, comiques ou pathétiques, à la manière des futurs Monstres. De l’acteur qui siffle au lieu de parler à celui qui doit tirer des coups de feu pour se débloquer, ils sont nombreux à peupler cet univers clos et grouillant. Mais à cet égard la scène la plus réussie est celle du conservatoire miteux, dans une salle de sport, prétexte à des gros plans réjouissants : Risi y matérialise le caractère singulier de ce monde à travers des exercices absurdes, réalisés par des « gueules », sous la férule d’un improbable professeur qui boit l’eau des fleurs. Là encore, c’est le mélange de cruauté et de tendresse qui fait le sel de la séquence.
Dans ce film sur le cinéma, on tourne peu, et deux tournages sur trois sont catastrophiques ; car au fond Boulevard de l’espérance parle surtout de la médiocrité et des ratages. Tant d’énergie et d’argent gaspillés, tant d’agitation et de rodomontades, n’aboutissent qu’à une pub avortée et une séquence stéréotypée dans un hôpital. Et ces tournages dérisoires servent surtout à mettre en valeur la dureté d’un monde où la moquerie est constante (de nombreuses séquences ont un « public » qui, à la manière du chœur antique, commente et persifle) et la réussite exceptionnelle.
Marcello Mastroianni, débutant à l’époque, ne peut pas grand-chose pour sauver son personnage falot de « good guy » amoureux, mais il attire déjà la lumière ; les autres hommes sont des silhouettes, volontairement caricaturales, à l’exception du producteur, qui, à l’inverse du cliché, veille sur Luisa de manière paternelle. Car Boulevard de l’espérance est d’abord un film de femmes, et c’est à elles que Risi réserve les plus beaux plans, tel celui du petit déjeuner, et les plus beaux éclairages (de somptueuses compositions d’intérieurs). Pour le reste, hormis la trahison vue par des miroirs, il faut bien avouer que la mise en scène frise la banalité. Mais le métrage, mineur dans la filmographie de Risi, conserve assez d’atouts, tant par son récit attachant que par son statut à mi-chemin entre le néoréalisme des années 40 et la comédie des années 60, pour être hautement recommandable.
Le DVD
Les suppléments :
Le livret de Jean A. Gili est passionnant, qui contextualise et analyse le film. Dans un entretien chapitré de 14 minutes, Dino Risi porte un regard nostalgique et précieux sur tout un pan de l’histoire du cinéma italien : il revient sur son parcours et s’attarde sur le film et ses scénaristes. Enfin, une bande-annonce bien conservée insiste sur l’aspect comique.
L’image :
Malgré un léger manque de définition et la présence de grain par moment, la copie est remarquable pour un film de cet âge.
Le son :
Beaucoup de présence, de clarté, même si, là encore, selon nos critères modernes, la seule piste Dolby Digital 2.0 présente un son quelque peu étriqué.
– Sortie DVD : le 5 mai 2015
– Également connu sous les titres français de "L’allée de l’espoir" , "L’avenue de l’espérance" et "Le chemin de l’espérance"
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