Le 19 mars 2003

Plume drôle et élégante pour un conte moral plein d’âpreté.
Plume drôle et élégante pour un conte moral plein d’âpreté.
Faut pas le chercher, Botchan, le "petit maître". C’est un gars d’Edo, aujourd’hui Tokyo, fier, bagarreur, impulsif aussi. Ses jeunes années n’ont pas été des plus calmes. Son premier boulot non plus. Professeur, sans trop savoir pourquoi, dans un collège de campagne. Entouré d’élèves insupportables parce qu’incapables d’avouer leurs sales coups et de professeurs rebaptisés en une réunion à peine : Courge-Verte, Le Blaireau, Porc-Epic, Chemises-Rouges, Le Bouffon... Des fourbes, ces deux-là, manigançant pour faire virer l’un des leurs avec le consentement de Botchan. Qu’il ne leur donnera pas, refusant du coup l’augmentation qui lui était offerte et claquant la porte de l’établissement. La tête haute.
Oeuvre incontournable de la littérature japonaise de l’ère Meiji [1], Botchan avait été publié en 1906. Natsumé Sôseki y croquait une société qui, dans le bouleversement qu’elle était en train de vivre, conservait une valeur sûre : la bassesse humaine, sur laquelle le temps n’aura sans doute jamais prise. Le propos fait penser à Tchekhov, contemporain de Sôseki, mais le style diffère. Pas de compassion ici, mais un ton âpre et rude (on se demande si jamais Botchan n’arrêtera de fustiger son entourage), porté par une plume pleine d’humour, de concision et d’élégance, Sôseki ayant aussi brillé dans l’art du haïku. Son conte moral se lit comme un petit traité de vices et vertus.
Le Serpent à plumes, 5,79 €
Regards croisés : Au temps de Botchan, la BD de Taniguchi et Sekikawa inspirée de la vie de Sôseki
[1] L’ère Meiji, qui s’étend de 1867 à 1912, avait été baptisée ainsi par l’empereur Mutsuhito, qui fit entrer le Japon dans la "modernité".