Bigamie - Ida Lupino - critique

Critique : Ida Lupino tournait ici le dernier film produit par sa propre société The Filmmakers. En effet, après une belle série de réussites, celle qui fut l’une des rares femmes cinéastes de Hollywood abordait le sujet de la bigamie, totalement tabou dans l’Amérique des années 1950. Le long métrage fut extrêmement mal reçu, autant par la critique que le public, et précipita la faillite de sa société.

Pourtant, elle propose un récit plein de tact, qui présente Harry, un homme somme toute ordinaire, tiraillé bien malgré lui entre deux femmes auxquelles il se trouve sincèrement attaché. Le couple qu’il forme avec Eve, qui ne peut pas avoir d’enfant, se trouve un peu au point mort, malgré les perspectives d’adoption. Son métier de commercial l’amenant à passer beaucoup de temps hors de chez lui, y compris pour des week-ends désœuvrés, il va rencontrer Phyllis, une autre femme, solitaire comme lui, avec qui il sera d’abord ami, avant qu’ils ne tombent amoureux et qu’elle lui donne un enfant.

Avec beaucoup de finesse, la réalisatrice, qui interprète aussi le rôle de Phyllis, suit le parcours torturé de cet homme qui n’était pas préparé à un destin si compliqué.

Il est intéressant de noter un élément qui ne manque pas de sel au regard du sujet : Joan Fontaine qui interprète la "rivale" de Ida Lupino, venait d’épouser Collier Young, le scénariste du film tout juste divorcé de... Ida Lupino.

Après ce cuisant échec, la cinéaste, qui parallèlement poursuivra sa carrière d’actrice au cinéma, se tournera vers la télévision pour la mise en scène. Elle participera à de nombreuses séries où, notamment, elle réalisera des épisodes d’Alfred Hitchcock présente (Alfred Hitchcock Presents) ? Ma sorcière bien-aimée (Bewitched) ou encore Le fugitif (The Fugitive).

Elle pourra réaliser un dernier film pour le cinéma en 1966, qu’elle ne produira pas. Ce sera une comédie intitulée Le dortoir des anges (The Trouble with Angels) avec entre autres Rosalind Russell.