Avant de t’aimer - Ida Lupino, Elmer Clifton - critique

Critique : En 1949, l’actrice reconnue Ida Lupino créait, avec son époux Collier Young, Emerald, une société de production indépendante qui deviendra ensuite The Filmmakers. Ce long métrage, auquel elle participa pour l’écriture du scénario, en fût le premier résultat.
Elle en avait confié la réalisation au vétéran Elmer Clifton, qui avait fait ses premières armes avec David W. Griffith dès les années 1910. Le cinéaste tombant malade pendant le tournage, c’est elle qui reprit la mise en scène et termina le film. C’est ainsi qu’elle devint presque par hasard l’une des premières réalisatrices américaines.

Si son traitement est classique, et répond aux codes en vigueur, le récit traite néanmoins du sujet des filles-mères, plutôt tabou à l’époque, et met en scène des gens ordinaires pris dans des situations de la vie courante, loin de la romance hollywoodienne.
La vie de Sally, l’héroïne, n’est pas folichonne. Issue d’une famille modeste, et n’ayant pas poursuivi ses études, elle végète entre son emploi de serveuse, une mère autoritaire et un père silencieux et dépassé. Un pianiste de passage dans son établissement lui fera croire au grand amour. Elle ira jusqu’à tout quitter pour essayer de le rejoindre et rencontrera sur son chemin un jeune vétéran de la dernière guerre, qui a conservé son âme d’enfant. Tout va dérailler quand elle apprendra qu’elle est enceinte du pianiste.

Ce contexte d’un réalisme amer donne une véracité inhabituelle à ce film, probablement aussi et surtout parce que pour une rare fois dans le cinéma américain, c’est une femme qui suit au plus près les déboires d’une autre femme.

Hormis le happy end imposé à la toute dernière image, la fin (une poursuite dans les rues) est tout à fait étonnante de naturel.

Ida Lupino, tout en poursuivant son activité de comédienne, réalisera par la suite pas moins de six autres films, tous basés sur des drames féminins, alors peu exploités au cinéma.