Le 24 octobre 2017
Berlanga signe une fable amusante que mille détails et la voix de Fernando Rey hissent au-dessus du lot commun.
- Réalisateur : Luis Garcia Berlanga
- Acteurs : José Isbert, Manolo Moran, Lolita Sevilla, Alberto Romea, Elvira Quintillá
- Genre : Comédie, Noir et blanc
- Nationalité : Espagnol
- Distributeur : Tamasa Distribution
- Durée : 1h15mn
- Reprise: 22 novembre 2017
- Titre original : Bienvenido Mr. Marshall
- Date de sortie : 1er juillet 1953
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Résumé : Un petit village castillan se prépare à recevoir une commission administrative de hauts fonctionnaires américains venus en Espagne pour faciliter une aide économique au pays.
Notre avis : Le film s’ouvre et se ferme sur une petite route qui mène à un village castillan : une danseuse et son manager, Manolo, arrivent au début et repartent à la fin. Entre les deux, les habitants, modestes, font un rêve de dollars et de cadeaux parce que des Américains doivent porter le plan Marshall et traverser leur hameau. Sous le regard amusé de Berlanga, qui trouve un ton joyeux et tendre, ils s’agitent et font des projets, même si, au fond, tout cela n’a pas beaucoup d’importance tant qu’il pleut et que le soleil revient. On pourra juger la morale un peu courte, voire terriblement conservatrice (on est encore sous Franco !) : les Espagnols doivent de contenter de ce qu’ils ont… Néanmoins le charme délicat de cette comédie gentiment satirique est ailleurs, moins dans le passage en trombe de la délégation et de ses conséquences, que dans l’attente elle-même et les préparatifs.
Dès les premières images, la voix de Fernando Rey nous guide dans le village, intervenant pour figer une image, comme plus tard pour souhaiter bonne nuit à un noble désargenté. Voix omnisciente, qui peut pénétrer les rêves, voix surtout qui s’amuse des possibilités cinématographiques. Après le village, ce sont ses habitants qui sont nommés, avec leurs particularités (la surdité du maire, la passion du foot, le tempérament acariâtre de Don Luis), sans que l’on quitte un ton enjoué. C’est que le regard empli de sympathie du réalisateur, même dans la moquerie, ne se départit pas d’un sourire presque attendri.
Mais l’essentiel du film se passe dans l’attente d’un convoi : après la visite du Délégué qui a, lui, un traitement plus féroce, l’organisation confiée à Manolo donne lieu à des séquences plutôt drôles, que ce soit la leçon de l’institutrice soufflée par un enfant caché, ou l’horloge actionnée à la main. Ce sont des idées originales, bien vues, qui s’enchaînent sans temps morts. Berlanga sait également jouer du montage pour dynamiser et faire se répondre les scènes, s’amusant des petits travers de ses personnages. On apprécie surtout le sens du détail, cocasse ou incongru, qui marque toute cette partie et en fait le sel.
Au fond le film ne parle que de rêves : de cadeaux et de gloire, de tracteur ou de chocolats ; mais aussi de cauchemars fondés sur les stéréotypes hollywoodiens : western en faux anglais, policiers menant un interrogatoire : on y sent la jubilation de Berlanga à jouer des codes de genre. Mais le rêve, c’est aussi celui de transformer un village paisible en décors de faux-semblants : fausses fleurs ou cloisons, faux habits traditionnels. On croirait y voir la dénonciation des pièges à touristes et de leur authenticité fabriquée. Les villageois semblent jouer sans trop croire à cette parodie, se pliant aussi facilement aux exigences de Manolo qu’ils remboursent les frais après l’échec. Ils ont fait un rêve, simple parenthèse dans une existence paisible, aussitôt oublié (voir l’image marquante du drapeau américain flottant dans un caniveau) : et ce rêve donne lieu à un film subtil, original et tendre. Certes, il y a bien dans cette œuvre courte une petite baisse de régime, mais on ne s’y ennuie jamais et il donne du cinéma espagnol des années 50 qu’avouons-le en connaît très peu, une image dynamique et infiniment sympathique.
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