Make America great again !
Le 5 décembre 2017
Derrière une certaine artificialité assumée, le nouveau film de George Clooney nous fait découvrir la face cachée d’une Amérique "blanche" idyllique où le mal ne naît pas de là où ses habitants aimeraient le voir.
- Réalisateur : George Clooney
- Acteurs : Matt Damon, Julianne Moore, Oscar Isaac
- Genre : Comédie policière
- Nationalité : Américain
- Durée : 1h44mn
- Titre original : Suburbicon
- Date de sortie : 6 décembre 2017
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Résumé : Suburbicon est une paisible petite ville résidentielle aux maisons abordables et aux pelouses impeccablement entretenues, l’endroit parfait pour une vie de famille. Durant l’été 1959, tous les résidents semblent vivre leur rêve américain dans cette parcelle de paradis. Pourtant, sous cette apparente tranquillité, entre les murs de ces pavillons, se cache une réalité tout autre faite de mensonge, de trahison, de duperie et de violence... Bienvenue à Suburbicon.
Notre avis : Sixième film derrière la caméra pour George Clooney, et déjà l’égérie Nespresso assume un style qui lui est propre... ou plus exactement qui est très imprégné de celui des réalisateurs pour qui il a lui-même précédemment tourné. Que le scénario de Bienvenue à Suburbicon soit signé par les frères Coen ne laisse que peu de doute sur la direction que va prendre sa réalisation. Impossible de ne pas penser à l’univers des deux cinéastes à l’origine d’œuvres tels que Fargo ou The Barber au regard de la représentation teintée d’humour morbide donnée ici au rêve américain via une modernisation d’intrigues héritées des films noirs. En l’occurrence, le récit prend place dans les années 50, au cœur d’une zone pavillonnaire qui se retrouve perturbée par l’arrivée d’une famille afro-américaine.
Ce postulat laisse penser que la thématique centrale du film sera la mécanique qui mène de la suspicion xénophobe à la violence. Une sorte de contre-champ des Chiens des Pailles. Ce n’est pas du tout le cas puisque cette tension raciste n’est en fait que le contexte dans lequel se tisse la véritable intrigue principale du long-métrage. Toute l’intelligence du film repose justement dans ce paradoxe, celui d’imaginer une entreprise criminelle loin de tous soupçons alors que, à quelques mètres de là, le voisinage accuse une minorité innocente de tous les maux. La métaphore satirique n’est pas d’une grande finesse mais n’en reste pas moins active.
- Copyright 2017 Concorde Filmverleih GmbH / Hilary Bronwyn Gayle
L’intrigue criminelle en question, et qui n’est pas sans rappeler Assurance sur la mort, matrice du film noir s’il en est, est menée par le coupe Matt Damon – Julianne Moore. Ce choix de casting n’est pas anodin puisqu’il révèle ce qui est véritablement la patte George Clooney. Déjà sensible dans son film de guerre Monuments Men, la propension du réalisateur-acteur à favoriser le côté glamour de ses interprètes au caractère sordide des situations se fait encore une fois ressentir dans Suburbicon. Le personnage de Damon, Gardner Lodge, pour ne citer que lui, apparaît si longtemps comme un être pathétique qu’il en devient difficile de le trouver fondamentalement repoussant.
L’autre bonne idée du scénario est de justifier ce peu d’antipathie pour ces personnages en adoptant le point de vue de leur jeune fils, un peu naïf. En revanche, le temps que prend la mécanique à se mettre en route a pour conséquence directe de rendre prévisible, aux yeux des spectateurs, la malhonnêteté et les agissements les plus vils de ces anti-héros qui feront les twists de cette intrigue. Fort heureusement, la maladresse et la balourdise dont font preuve les personnages, principaux comme secondaires, en particulier lors des scènes les plus violentes, permet de générer quelques passages décalés, voire burlesques, au milieu de ce récit au rythme globalement assez lent.
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Davantage que la bonhomie anxiogène de Matt Damon ou le double rôle de Julianne Moore (un interprète pour deux jumeaux, c’est très à la mode), la performance à retenir est assurément celle d’Oscar Isaac. Mais, après tout, ce que l’on retiendra de Suburbicon n’est ni son suspense ni son humour noir, ni même ses acteurs stars, mais bien l’imagerie de carte postale, dont l’aspect oppressant n’est pas sans rappeler l’ouverture de Blue Velvet, qu’ont réussi à restituer la photographie léchée et la direction artistique très vintage. La présence des frères Coen se ressent d’ailleurs jusque dans certains choix d’accessoires, à commencer par les voitures (les fans remarqueront le clin d’œil).
On regrettera que l’exploitation du fait divers qui a inspiré le drame de cette famille d’Afro-Américains et que George Clooney a tenu à nous relater, et la mécanique qui mène à de véritables émeutes raciales, n’aient pas été mis à profit autrement que comme une sous-intrigue trop peu développée. Impossible non plus de ne pas se demander, non sans un peu d’amertume, à quoi aurait pu ressembler le film si les frères Coen l’avaient eux-mêmes réalisé. En l’état, la version qu’en a fait George Clooney est un thriller imparfait dans son écriture mais à l’univers visuel dérangeant et surtout porteur d’un message politique fort puisqu’il nous rappelle que la bêtise et l’hypocrisie qui ternissaient déjà l’Amérique dans les années 50 sont plus que jamais d’actualité.
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