Bienvenue à Bataville - La critique

Un documentaire poétique sur le monde du travail et la servitude volontaire.

L’argument : En Moselle, Bataville abritait le dernier exemple de paternalisme industriel à grande échelle. Retour sur cette communauté en utopie et regard désabusé...

Notre avis : Une carte en main, deux cyclistes scrutent une clairière ouverte sur un étang. Comme téléguidés, ils foncent à travers la campagne et, découvrent derrière les fourrés une cité industrielle fantôme : Bataville qui semble attirer comme un aimant ses anciens habitants. Entre les embardées poétiques - on pense parfois aux Revenants de Robin Campillo -, et l’enquête documentaire scrupuleuse, Bienvenue à Bataville revient sur une des dernières utopies du monde du travail en France.
En 1932, Tomas Bata, l’industriel de la chaussure, crée cette cité ouvrière abritant les employés et les cadres de son usine en Moselle. Ce sont les derniers feux du paternalisme made in France, l’entrepreneur imaginant un monde où la morale, les loisirs et la pensée sont structurés par l’entreprise Bata.
Pour tirer le portrait de ce Big Brother hexagonal, le réalisateur François Caillat a choisi à la fois d’épouser le regard des anciens Batavillois, tout en donnant les clés d’un endoctrinement consenti. Les témoignages convergent ainsi vers une idée du bonheur, un passé où Bata pourvoyait à leur place à l’harmonie personnelle. Abandonnés par ce père symbolique - l’usine ferme ses portes en 2001 -, les anciens ouvriers semblent errer comme des âmes en peine dans un monde du travail qui n’est plus fait pour eux. Cette poésie amère anime un documentaire dont la matière didactique aurait donné ailleurs un documentaire carré mais sans finesse. Bienvenue à Bataville est à voir sur grand écran et pas ailleurs.