Le 23 juillet 2024
Du road movie au huis clos familial, sur la fine ligne entre comédie et drame, l’auteur de BD Jim aborde le cinéma avec ce portrait réussi d’une famille dysfonctionnelle.
- Réalisateur : Jim
- Acteurs : Michaël Cohen, Marisa Berenson, Albert Delpy, Baptiste Lecaplain, Marine Bohin, Haydee Borelli, Cybèle Villemagne, Caroline Bourg
- Genre : Comédie dramatique, Romance, Road movie, Film pour ou sur la famille
- Nationalité : Français
- Distributeur : Octopolis
- Durée : 1h42mn
- Date de sortie : 24 juillet 2024
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Résumé : Émily prend des nouvelles de sa mère au téléphone. Cette dernière a fait une tentative de suicide. Émily se rappelle son enfance avec cette femme hors norme, le moment où elle a quitté la demeure maternelle et cet appel qui l’a amené à Montpellier, où elle retrouve ses deux sœurs, Cheyenne et Salomé. Le trio part pour l’Italie mais après des retrouvailles heureuses, un malaise palpable règne dans la voiture à chaque fois qu’Émily demande à ses sœurs comment va sa mère...
Critique : Jim écrit et réalise son premier film, après une carrière florissante dans la BD. Il nous offre une belle rencontre entre deux âmes en difficulté, le début d’une histoire d’amour comme il les raconte si bien ; mais cette fois-ci, il brosse surtout le portrait d’une famille dysfonctionnelle, de trois sœurs qui ne parviennent pas à se construire devant une mère fantasque qui n’a vécu qu’en fonction de ses envies.
Belle Enfant nous présente trois femmes cassées par une enfance chaotique. Chacune des sœurs dissimule ses fêlures de manière différentes. Quant à la mère, elle avance tant bien que mal, se rendant compte de ses erreurs mais ayant beaucoup de difficulté à les assumer.
Ces retrouvailles familiales ont un goût doux-amer, naviguant de moments heureux en règlements de comptes, de révélations en cachotteries, de rires en pleurs.
Et nous suivons, assis dans la salle, ces hauts et ces bas. L’élément perturbateur, s’il en fallait un de plus dans cette famille ébréchée, est Gabin, le jeune homme qu’Émily croise entre Paris et Gênes. La rencontre est drôle, chacun défend son intérêt et l’entente se crée petit à petit même si, au début, à certains moments, les raisons qui retiennent ensemble ces deux personnages nous semblent un peu faibles.
Le film nous offre deux voyages en un. Le voyage d’Émily pour rejoindre sa mère en Italie et le trajet psychologique de la jeune femme pour se rapprocher de cette mère, casser la distance qu’elle a instaurée avec elle.
- Belle Enfant
- Copyright Octopolis / Mia Films
- Emily (Marine Bohin), poursuivie des assiduités de Gabin (Baptiste Lecaplain)
Mais tout le monde trouve sa place dans ce récit axé autour de la jeune femme : ses deux sœurs, sa mère, son oncle Rémy qui accueille toute la famille dans sa maison de Gênes, Olga, l’amie de passage et même Gabin.
Jim prend le temps, dans cette villa luxueuse donnant sur la mer, de laisser un espace à tous, de favoriser les échanges, de laisser ses héroïnes recréer du lien, affronter leurs angoisses, entamer ce long trajet de la résilience, de quitter l’ombre pour la lumière.
Et le cadre de ces moments difficiles mais aussi drôles, est justement cette Italie ensoleillée.
Au fil des plans, nous retrouvons cette lumière si douce, si claire, qui illumine les cases des bandes dessinées de Jim. Celles et ceux qui connaissent l’œuvre de l’auteur dessinateur retrouveront ce soleil palpable, ce bleu silencieux du ciel, auxquels s’ajoutent les incroyables façades colorées de l’ancienne ville de Gênes, les chemins des douaniers qui longent la mer, le belvédère de la villa de Rémy.
Bien sûr, la grisaille parisienne trouve un peu de place aussi au début du film et nous sommes bien tristes de la retrouver à la fin.
Mais laissons de côté les conditions météorologiques pour en revenir au long métrage. Jim filme ses personnages avec beaucoup de plaisir. Parfois, certains plans de décors nous ont surpris, semblant couper la scène, et d’autres fois ils nous apparaissent comme marquant le temps qui passe, accordant une pause, créant une ellipse.
- Belle Enfant
- Copyright Octopolis / Mia Films
- De gauche à droite : l’oncle Rémy (Albert Delpy), Cheyenne (Cybèle Villemagne), Salomé (Caroline Bourg), Rosalyne (Marisa Berenson) et Gabin (Baptiste LeCaplain) découvrent la surprise que leur a préparée Olga (Haydee Borelli) que l’on voit de dos.
Les interprètes sont touchants. Marine Bohin, Cybèle Villemagne et Caroline Bourg, respectivement, Emily, Cheyenne et Salomé, forment un joli trio. Albert Delpy joue l’oncle Rémy, toujours joyeux, cherchant à arrondir les angles entre les sœurs et leur mère, Rosalyne, incarnée par Marisa Berenson, qui sait donner de la fragilité à ce personnage haut en couleur. N’oublions pas Haydee Borelli, qui joue Olga, l’amie de passage, personnage original et inoubliable. Et Baptiste Lecaplain dans le rôle de Gabin, jeune homme qui va tenter, à sa manière, de rétablir le lien entre les membres de cette famille, en utilisant l’humour et des méthodes qui en disent beaucoup sur sa propre famille. Une petite mention pour un second rôle, celui de l’homme marié trompant sa femme avec Émily. Michael Cohen apporte à cet archétype un autre caractère, en en faisant une personne attachée et attachante. On en oublierait presque qu’il est marié. Jouant sur le sourire et l’acceptation, il nous offre une partition loin de la colère ou de l’indifférence que l’on attache souvent à ce type de personnage.
Entre tous ces êtres, les liens se créent, se dénouent pour mieux se renouer. Les voix cassées, les regards amers, les fous rires font passer bien des émotions.
Belle Enfant nous offre presque deux fins, celle de la parenthèse italienne et le dénouement, où nous laissons les personnages bien mal armés pour affronter le reste de leur vie mais avec la lueur d’une possible acceptation, d’un paisible mieux. Et Jim parvient à nous émouvoir une dernière fois alors que nous regardons une conclusion pourtant prévisible.
Pour nous, la scène la plus triste du film est peut-être celle où Émily apprend l’irréparable et s’effondre alors que son homme, à deux mètres d’elle, plongé dans son écran, le casque sur les oreilles, ne remarque rien.
Ajoutons, pour finir, que ce long métrage n’aurait pas vu le jour sans la pugnacité de son réalisateur qui, muni d’un petit budget, a tourné son film morceau par morceau, au fur et à mesure qu’il trouvait de l’argent, sans savoir s’il pourrait un jour finir ce projet. Il dessinait pour vendre des planches afin de remettre de l’argent dans le pot. Cela a duré deux ans, avec bien sûr le soutien de Bamboo, sa société d’édition, jusqu’au moment où deux productions, Octopolis et Mia Films, ont décidé de rejoindre le projet.
Il apparaît donc que la création de cette belle histoire est en elle-même une belle histoire.
Belle Enfant mêle joliment comédie et drame, conflit de famille et rencontre amoureuse, dans une Italie magnifiée par un soleil apaisé.
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