Little women
Le 27 juillet 2024
La surdouée Greta Gerwig déconstruit pièce par pièce la figure de Barbie et orchestre avec une aisance et une liberté salvatrices un manifeste féministe surpuissant autant qu’un cri du cœur contre l’absolutisme hétéronormatif.
- Réalisateur : Greta Gerwig
- Acteurs : Helen Mirren, Will Ferrell, America Ferrera, Ryan Gosling, John Cena, Michael Cera, Margot Robbie, Rhea Perlman, Sharon Rooney, Kate McKinnon, Alexandra Shipp, Hari Nef, Issa Rae , Emma Mackey, Simu Liu
- Genre : Comédie, Aventures, Fantastique, Comédie musicale, Musical, Film pour ou sur la famille
- Nationalité : Britannique
- Distributeur : Warner Bros. France
- Durée : 1h50mn
- Date télé : 27 juillet 2024 21:00
- Chaîne : Canal+ Cinéma
- Date de sortie : 19 juillet 2023
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Résumé : Barbie, qui vit à Barbie Land, est expulsée du pays pour être loin d’être une poupée à l’apparence parfaite ; n’ayant nulle part où aller, elle rejoint le monde humain et cherche le vrai bonheur.
Critique : Greta Gerwig est devenue en quelques années seulement l’une des figures de proue du cinéma indépendant américain, avec Lady Bird et Les Filles du docteur March, développant un regard fort et singulier sur ses personnages féminins en marge des codes et stéréotypes imposés par le cinéma depuis des décennies. Inspirée par nombre de cinéastes femmes avant elles, elle a su redonner à l’empowerment au féminin ses lettres de noblesses : en témoigne sa relecture du roman de Louisa May Alcott, Le Quatre filles du docteur March, dans laquelle Joe March devenait l’avatar de Gerwig. Celle-ci voulait s’accomplir en tant que Femme, à l’écart des hommes, et ainsi pouvoir serrer son livre, son Œuvre, contre son cœur, dans un dernier élan de sublimation qui nous avait tous assez chamboulés. Personne n’a oublié le monologue de Jo où elle tempêtait son cri du cœur, les yeux en larmes, face à sa mère : « Les femmes ont un esprit, une âme et pas seulement un cœur. Elles ont de l’ambition, du talent et de la beauté. J’en ai assez des gens qui disent que l’amour est la seule chose qui convienne à une femme. J’en ai vraiment marre ! Mais je me sens si seule. » La Barbie de Gerwig se sent aussi terriblement seule, mise à l’écart de son monde, contrainte de partir dans le monde réel pour tenter de résoudre ses singularités, ses pieds plats, sa cellulite, son vague à l’âme. Sous ce qui paraissait être un projet casse-gueule se révèle un manifeste féministe au discours certes martelé avec fort peu de subtilités mais mené tambour battant avec une efficacité redoutable et un humour caustique du plus bel effet.
- © 2023 Warner Bros. All rights reserved.
Dans une approche quasi anthropologiste, Greta Gerwig oppose le monde réel, régi par le patriarcat, à celui de Barbie, régi par le matriarcat, dans une démarche de parallélisme, un procédé emprunté au roman d’apprentissage dans la droite lignée de Candide ou L’ingénu de Voltaire, sur des êtres, tous sexes confondus, broyés par la domination masculine, déterminés à lutter contre les clichés sexistes et la culture du viol. Gerwig propose de nourrir notre rapport au monde et à nous-mêmes, en éprouvant toutes les émotions que ressent Barbie, quand elle subit une agression sexuelle, quand une adolescente l’accuse de nourrir le patriarcat et le consumérisme, ou bien encore quand elle est confrontée au renversement de son monde, lui même contaminé par la maladie du patriarcat, se répandant comme la Peste. C’est tout le génie de Gerwig et son coauteur (et conjoint à la vie) Noah Baumbach. Ils ont réussi à déceler derrière la célèbre poupée de plastique un nouveau modèle de Femme puissante qui, au lieu de nous renvoyer à notre solitude, nous honore et nous salue. À la manière de Barbie qui élabore moult stratégies pour reconquérir son monde envahi par les Ken, Gerwig aura réussi à transformer une poupée sur mesure basée sur les fantasmes masculins plutôt que la métrique humaine réelle, complexant les petites filles dès leur plus jeune âge, en outil de réappropriation du corps féminin, comme peut le démontrer la séquence finale où Barbie fait face à sa créatrice Ruth Handler dans un dialogue philosophique sur ce qu’est Barbie, et ce qu’elle représente, ce qu’elle véhicule, et comment elle peut inspirer d’autres Femmes de par le monde. Le montage d’images d’archives qui accompagne la scène, entrecoupés d’évocations de l’enfance, de l’adolescence, un anniversaire, un accouchement, un rire, un songe, de femmes de tous âges, de toutes époques, convoque plus que jamais le travail de Jane Campion, en particulier l’introduction de Portrait de femme où elle immortalisait déjà les visages de Femmes libres, d’aujourd’hui, dans une mouvement de liberté, de vitalité, sur ce qu’elles ressentent juste avant un premier baiser, ce moment magique et fugitif, le tout enrobé par la musique mélancolique de Wojciech Kilar.
- © 2023 Warner Bros. All rights reserved.
Finalement, Barbie est bien le blockbuster de l’été attendu. Plus que cela, c’est un manifeste politique important et nécessaire sur la violence intrinsèque du patriarcat, et la manière dont il peut contaminer les deux sexes, de Los Angeles à Barbie Land. Greta Gerwig prouve encore une fois son talent inné pour composer des personnages féminins en marge des stéréotypes et signe pour sa troisième réalisation une détonation filmique qui l’élève définitivement, aux côtés de Jane Campion, Chantal Akerman ou encore Sofia Coppola, au panthéon du female gaze. Barbie for ever.
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