Adapté d’une pièce américaine écrite par Jane Anderson et situé en Louisiane durant l’été 1989 Baby aborde entre humour et gravité les enjeux éthiques de la GPA (Gestation Pour Autrui) et soulève les questionnements autour du désir d’enfant et du pouvoir de l’argent. Car c’est un drame humain doté d’une mise en scène pudique (que l’on doit à Hélène Vincent) qui se déroule sous nos yeux. Deux décors, deux ambiances pour rendre compte de l’Amérique (mais il pourrait également s’agir de la France) d’en haut contre l’Amérique (ou la France) d’en bas, au cœur de ce petit écrin de sérénité qu’est le théâtre de l’Atelier planté au cœur du 18ème arrondissement de Paris.
La première partie nous invite à l’intérieur d’une caravane bien peu luxueuse mais au joyeux désordre, jonchée de jouets, et égayée de dessins et de photos d’enfants. C’est là que survivent la jolie Wanda (Isabelle Carré) et son colosse de mari, un bourru au cœur tendre (Vincent Deniard). Dénués de tout, leur seule richesse est l’amour qu’ils se portent et qu’il donne à leurs enfants. L’arrivée de Rachel (Camille Japy), la candidate à l’adoption, crée une rupture. Car Rachel est socialement, politiquement et même "nutritivement" correcte. Elle a l’habitude que tout se déroule conformément à ses souhaits. Elle a d’ailleurs payé pour ça. Inquiète mais soucieuse de ne pas se brouiller avec la future mère et encore moins avec le père, plus vénal et moins conciliant, elle découvre, entre effroi et curiosité, une forme de vie dont elle ignorait tout. Camille Japy et Isabelle Carré composent avec talent un couple de femmes que tout oppose mais qui se trouve réuni autour d’un sujet commun : ce bébé à venir qu’elles couvent d’un amour identique malgré des motivations différentes.

copyright Emmanuel Robert

Après un court entracte, la deuxième partie s’ouvre sur un décor blanc et froid et laisse place aux points de vue masculins, nous permettant du même coup de découvrir une nouvelle facette du talent de Bruno Solo en homme d’affaires intransigeant et lucide. Grâce à une direction d’acteurs toute en finesse et à des comédiens tout à fait convaincants, on s’attache sans difficulté à ces personnages dont on partage les motivations et les sentiments entre malaise, empathie, colère, cupidité, tout en se gardant bien de chercher à savoir qui a tort ou qui a raison. Isabelle Carré, bouleversante de vérité entre renoncement et tendresse, tient la pièce à bout de bras sans faillir un seul instant. Le rebondissement final, si brutal soit-il, renforce grandement l’émotion.