Piperno le magnifique
Le 14 mars 2006
Grandeur et décadence d’une famille juive de la grande bourgeoisie romaine. Cruel et jubilatoire.


- Auteur : Alessandro Piperno
- Editeur : Liana Levi
- Genre : Roman & fiction

L'a lu
Veut le lire
Un grand-père érotomane et flambeur, cultivant la frivolité comme un art de vivre. Un père toujours sur le départ, mais obsédé par les signes extérieurs de réussite sociale : belles voitures et hautes fréquentations. Une mère qui se rêve en Audrey Hepburn déchue. Ajoutez à cela une schizophrénie identitaire due au mariage mixte de ses parents, qui fait de lui un "juif pour les gentils et [un] gentil pour les juifs". Rien d’étonnant à ce que Daniel, le narrateur d’Avec les pires intentions, grandisse dans une certaine confusion. Masturbateur obsessionnel et amoureux voué à l’échec dès le premier regard, il ne brille guère dans cette jeunesse dorée romaine où il fait ses premières armes, dans le tourbillon d’une fête perpétuelle.
Avec ce premier roman, Alessandro Piperno impose un ton aussi provocateur que jubilatoire. Il se livre à un joyeux jeu de massacre dont les héros, éternels enfants rattrapés par le temps, ne sortent pas grandis. Mais derrière la légèreté apparente d’une classe sociale se cache la volonté de s’étourdir dans les vapeurs d’une ivresse décadente toute fitzgeraldienne. Pour mieux nier les spectres de l’histoire, ceux de la Seconde Guerre mondiale. Son narrateur, improbable croisement entre Zeno et Portnoy, ne se voit quant à lui épargner l’échec absolu qu’en raison de son sens très sûr de l’autodérision. "Je m’étais peut-être simplement sauvé", déclare-t-il. "Comme si quelque chose m’avait protégé. Certains l’appellent banalement ironie." Singulier et prometteur, le talent d’Alessandro Piperno n’a, quant à lui, rien de banal.
Alessandro Piperno, Avec les pires intentions (Con le peggiori intenzioni, traduit de l’italien par Fanchita Gonzales Batlle), Liana Levi, 2006, 350 pages, 20 €