Le 13 janvier 2020
Ce roman est un oxymore parfait, mêlant la douceur du rêve à l’âcreté du sang. Guillaume Sire signe un livre d’une grande subtilité et d’une puissance hors du commun.
- Auteur : Guillaume Sire
- Editeur : Calmann-Lévy
- Genre : Roman
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 2 janvier 2020
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
- Festival : Rentrée littéraire 2020
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Résumé : 1971 : le Cambodge est à feu et à sang. Saravouth a onze ans. Sa petite sœur Dara en a neuf. Leur mère enseigne la littérature au lycée français. Leur père travaille à la chambre d’agriculture. Dans Phnom Penh assiégée, le garçon s’est construit un pays imaginaire : le « Royaume Intérieur ». Mais un jour, la guerre frappe à sa porte. Les fondations du Royaume vacillent. Séparé de ses parents et de sa sœur, réfugié dans la forêt sur les rives du Tonlé Sap, Saravouth devra survivre dans un pays en plein chaos, animé par une volonté farouche de retrouver sa famille. Inspiré d’une histoire vraie, ce roman restitue une épopée intérieure d’une rare puissance.
Notre avis : Ce roman est une douce gifle, une caresse rude. Le rêve imprègne chaque mot, chaque phrase est nimbée d’une aura surréelle, entre mirage et violence, entre onirisme et mort.
Saravouth, enfant Cambodgien, vit à Phnom Penh avec sa famille en 1970, au début de la guerre civile où se mêlent Américains, Khmers rouges, dictateur, prince, soldats et civils. Sa mère lui a appris à « hameçonner les mots », à s’évader en voguant sur les nuages, à transformer le prosaïque en fragments de songes. Son père lui a enseigné la discipline cartésienne imposée par la pratique des échecs. Sa sœur, Dara, le rejoint souvent dans le Royaume Intérieur qu’il a créé à partir de bribes de légendes, de mythes hindous, chrétiens et grecs, d’éclats de classiques littéraires, de L’Odyssée aux poèmes de René Char, de Peter Pan aux contes pour enfants. Dara permet à ce lieu féérique de résister aux assauts, d’exister ailleurs que dans l’esprit du garçon. Mais la violence arrive à grands pas, et se déploie bientôt dans tout le pays. Le sang n’épargne pas les rêves, les songes immaculés ne tardent pas à se teinter de sang, souillés par les offensives ennemies. Tout doit être reconstruit, dans la tête et dans le corps de Saravouth. Désormais, bien plus que le désir de vivre, ce sera la recherche de sa famille qui motivera la survie de l’adolescent. Il fouillera les ruines, remontera le long des ombres, examinera la brume et se perdra dans les rues de la capitale cambodgienne, prêt à tout.
La politique ne rend pas le roman obtus ou abscons à qui ne connaît pas l’histoire chaotique de l’Asie du Sud-Est des années 1970. Au contraire, l’auteur sait trouver les mots pour que la logique de l’horreur nous frappe, pour que les rouages de la mécanique infernale se mettent en branle sans efforts.
Guillaume Sire parvient à décrire ce qui semble indescriptible, à rendre beau et poétique l’atroce. Sans rien camoufler de l’innommable pour autant, ce roman est auréolé d’un halo de douceur, brûlant de violence. Oxymore parfait, Avant la longue flamme rouge est poignant, bouleversant, et le lecteur n’en sort pas indemne, surtout lorsqu’il réalise que ce récit est tiré d’une histoire vraie. Que le Saravouth de l’auteur est aussi le Saravouth du monde, de la réalité, un Saravouth qui a affronté le minotaure, le cheval de Troie mais aussi les soldats, les bombes et les grenades, les moustiques et les balles, la moiteur et la solitude.
Guillaume Sire - Avant la longue flamme rouge
Calmann Lévy
336 pages
136 x 215 mm
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