Constance Delaunay avance en catimini, l’air de ne pas y toucher, mais ne vous fiez pas à la légèreté de ses brefs textes. L’auteure, également dramaturge, n’a ni la langue ni les yeux dans sa poche et sait parfaitement débusquer les petits riens qui clochent dans le théâtre ordinaire du quotidien de monsieur et madame Toutlemonde. Son dernier recueil présente en situation (repas funéraire, lendemain de réveillon, déjeuner de famille, goûter d’anniversaire) diverses recettes culinaires allant du poulet au paprika au boeuf bourguignon en passant par les merguez, le caviar et les fraises chantilly. On cuisine, on mange, on parle, on se souvient et gloups ! on avale de travers. Ça dérape vers des moments savonneux ou empoisonnés, courtes saynètes aimablement mitonnées et judicieusement assaisonnés.

En fieffé marmiton, l’auteure cuisine ses personnages à petit feu puis soulève discrètement le couvercle de ses casseroles pour laisser s’exhaler menus drames, infimes accrocs et dérisoires catastrophes. Empile ses minces tranches de vie, les tartine à l’humour aigre-doux. Pimente ses préparations au jus de mauvaise foi, les fait macérer dans la faute à pas de chance, les barde de vilains défauts ou les noie dans la sauce aux regrets. C’est la vie, quoi ! Avec ses hauts et ses bas. Tous ses ingrédients que Constance Delaunay sait diablement bien associer pour élaborer des gourmandises pas bourratives pour deux sous. Je vous repasse le plat ?