Le 10 février 2021
Un film inégal qui vaut par une approche quasi-documentaire, beaucoup plus que par une dramatisation maladroite.
- Réalisateur : Fred Zinnemann
- Acteurs : Audrey Hepburn, Peter Finch, Peggy Ashcroft
- Genre : Drame
- Nationalité : Américain
- Durée : 2h29mn
- Date télé : 10 février 2021 22:20
- Chaîne : TCM Cinéma
- Titre original : The Nun's Story
- Date de sortie : 16 septembre 1959
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Résumé : Gabrielle Van Der Mal intègre un couvent à Bruxelles pour suivre des cours de médecine mais rebelle, la jeune femme a du mal à accepter l’autorité de la mère supérieure. Ses études terminées, elle s’envole pour le Congo pour être l’assistante médicale du professeur Fortunati. Sur place, face aux malades et blessés graves, Gabrielle prend conscience de ce qu’elle désire réellement. Mais osera-t-elle le courage d’assumer ses convictions les plus secrètes ?
Crituque : Fred Zinnemann a aujourd’hui mauvaise presse : même ses plus grandes réussites d’antan (Le Train sifflera trois fois, Tant qu’il y aura des hommes) ont vu leur étoile pâlir ; il est vrai que le propos y est constamment souligné, la légèreté et la nuance n’étant pas sa qualité première. Découvrir un de ses films peu connus ne va donc pas sans crainte, même si on essaie de se départir de ses préjugés. Au risque de se perdre (curieuse traduction de The Nun’s Story) ne relève effectivement pas du chef-d’œuvre oublié, mais mérite largement d’être vu malgré des défauts évidents, en ce qu’il tranche par son sujet avec nombre de longs-métrages des années 50. Il vaut également par l’interprétation lumineuse d’Audrey Hepburn, omniprésente et sensible dans un rôle fascinant, celui d’une religieuse qui suit un parcours original.
Très nettement, le film se décompose en trois parties inégales qui correspondent à des lieux bien déterminés, voire affichés. La première se situe en Belgique (bien sûr, il faut admettre la convention qui fait s’exprimer tous les Belges en anglais) : une jeune fille quitte sa famille pour prononcer ses vœux et affronte la difficulté de la vie au couvent. C’est sans doute la partie la plus réussie : on sent Zinnemann fasciné par la vie des religieuses ; il prend son temps de manière originale pour un film mainstream. On découvre les innombrables règles, dont certaines surprennent, notamment celle qui consiste à faire son autocritique en public. Cela donne au cinéaste l’occasion de belles séquences : outre l’insistance sur les portes, clés et serrures, il réussit en un plan à montrer la mutilation des cheveux découpés, tombant sur un plateau qui reflète le visage de « sœur Luc ». D’autres moments sont passionnants par la lenteur et la précision inhabituelles. Certes, nombre de scènes demeurent affectées par un académisme pesant, mais la multiplication des gros plans ou des plans d’ensemble remarquablement équilibrés rehaussent le niveau et témoignent du regard du réalisateur, ni condescendant ni moqueur. C’est même la qualité première de cette partie que d’épouser un point de vue extérieur, à la limite de l’anthropologie. Le scénariste, Robert Anderson, refuse la plupart du temps une quelconque dramatisation. Hormis la gageure d’échouer volontairement à un examen, aucune péripétie ne vient troubler la contemplation fascinée d’un univers étrange et surtout, la difficile mise en images d’un dilemme moral. Zinnemann, aidé par le fabuleux Alexandre Trauner, crée un décor dénudé, entrecroisement de lignes qui concentre le regard sur les visages et les corps.
La deuxième partie se situe au Congo belge (nous sommes dans les années 30) et si le film reproduit sans distance une vision coloniale paternaliste et méprisante, le goût du gros plan demeure et nous vaut de magnifiques portraits, et parfois surprenants comme ceux des lépreux. Mais la dramatisation échoue à créer une tension à partir d’événements (la maladie) ou de personnages (le médecin bourru au bon cœur) largement prévisibles et très stéréotypés. Une seule scène, de violence aussi brutale qu’inattendue, relance l’intérêt.
Le retour en Belgique, puis le départ en Hollande signent la fin du film et de son engagement, mis en péril par la guerre et la mort de son père. Nouveau dilemme moral, intense mais trop démonstratif. Néanmoins, là encore, au milieu de scènes convenues, Zinnemann réussit certains passages, comme le récit des événements de la guerre par une sœur. Mais surtout, c’est la toute fin qui emporte l’adhésion : Audrey Hepburn enlève ses vêtements religieux et un lent travelling nous dirige vers son visage, ce qui permet de découvrir ses cheveux qui ont blanchi. S’ensuit un magnifique plan fixe qui la voit s’éloigner dans l’embrasure d’une porte, un peu, toute proportion gardée, à la manière de La Prisonnière du désert.
Zinnemann n’est pas Douglas Sirk : il ne parvient pas à transcender un sujet à tendance mélodramatique, et son image très soignée n’atteint pas la flamboyance. Mais dans ses meilleurs moments, le film, par une attention soutenue et patiente, se révèle sensible : sa fascination évidente le conduit à une approche quasi documentaire sans jamais porter de jugement. Dans ces moments, la rigueur et la simplicité donnent une cohérence réelle à un sujet rare et subtil : montrer des conflits moraux en limitant les dialogues n’est pas une mince affaire.
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