La montre oubliée
Le 1er juillet 2012
Ce conte moderne de l’indécision touche surtout par sa remarquable interprétation et le bonheur de filmer la ville.
- Réalisateur : Jun Ichikawa
- Acteurs : Hidetoshi Nishijima, Shinobu Terashima, Chiaki Kuriyama, Tomorō Taguchi, Mitsuko Baishô
- Genre : Comédie dramatique, Inédit (salle, vidéo)
- Nationalité : Japonais
- Durée : 1h45mn
- Titre original : 春、バーニーズで (haru, bânîzu de)
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– Sortie au Japon : 19 février 2006
Ce conte moderne de l’indécision touche surtout par sa remarquable interprétation et le bonheur de filmer la ville.
L’argument : Tsutsui est marié depuis peu à Hitomi rencontrée à l’occasion d’une réunion d’affaires. Il s’entend bien avec le fils de celle-ci issu d’un premier mariage, sa mère et sa sœur artiste-peintre. Le couple s’installe sereinement dans sa nouvelle vie de famille recomposée. Le temps passe jusqu’au jour où Tsutsui, qui se sent pourtant heureux, se met à imaginer quel autre genre d’existence il aurait eue s’il n’avait pas fait le choix d’épouser Hitomi. Un jour de printemps, alors que la famille déambule dans le quartier commerçant de Shinjuku, Tsutsui retrouve par hasard son ancien ami homosexuel avec lequel il avait vécu autrefois. Quelques temps plus tard, certaines circonstances vont l’encourager à révéler à sa femme son passé sentimental.
- haru, bânîzu de (Jun Ichikawa 2006)
Notre avis : Comme l’annonce son sous-titre un rien trop explicite, Au printemps, chez Barneys ou les incertitudes de la modernité, adapté d’un roman de l’auteur à succès Shûichi Yoshida paru en 2004, s’intéresse au sentiment de confusion dans lequel est plongé l’homme moderne désorienté par la multiplicité, peut-être illusoire, des sollicitations et des options de vie qui se présentent à lui.
Ces hésitations sont ici celles d’un jeune cadre travaillant dans une grande entreprise, heureusement marié et père adoptif d’un gamin avec lequel il s’entend on ne peut mieux, mais se demandant soudain, à la faveur d’une rencontre fortuite qui fait ressurgir une autre vie à laquelle il a jadis renoncé, s’il ne s’est pas trompé en choisissant de mener une existence confortable et somme toute conformiste.
Le thème n’est ni vraiment nouveau ni particulièrement original et son traitement reste un brin théorique et trop attendu, tombant même parfois dans le piège du cliché et de la scène à faire, notamment au moment des aveux dans la chambre d’hôtel quand les époux jouent à qui dira le (faux) mensonge qui causera à l’autre le choc le plus violent. Il n’évite pas non plus les effets faciles de l’esthétique publicitaire : ralentis, musique lénifiante, symbolisme poétique un peu court (l’improbable coccinelle dans la rame de métro, dont on voit trop qu’elle n’est qu’un trucage numérique).
- Shinobu Terashima et Hidetoshi Nishijima dans haru, bânîzu de (Jun Ichikawa 2006)
Mais ces facilités ne nuisent pas vraiment à la pertinence du propos, le film étant pour ainsi dire contaminé par les signes d’une modernité dont il pointe pourtant les travers, à commencer par la violence du monde du travail, lorsque l’odieux petit chef lance un dossier à la tête du héros qu’il croit inattentif mais qui semble surtout mal à l’aise en entendant les consternantes exhortations à la compétitivité martelées par son supérieur.
Mais cette modernité Jun Ichikawa l’accepte aussi et même la revendique. A l’ami retrouvé qui lui demande de ne pas l’appeler Madame pour ne pas embrouiller son fils, le protagoniste répond peu ou prou qu’il ne faut pas avoir peur de semer la confusion dans l’esprit des enfants car cela leur apprend très tôt à accepter les différences et la complexité de la vie.
Le cinéaste s’efforce lui aussi de regarder sans juger et de ne pas répondre de manière univoque aux interrogations qu’il soulève. Le plan final de bonheur familial semble une résolution bien fragile de la crise qui a mené le héros à tout remettre en question et à faire dépendre la suite de son existence du fait qu’il retrouvera ou non la montre oubliée sous une pierre au cours d’un voyage scolaire, quinze ans plus tôt.
- Hidetoshi Nishijima dans haru, bânîzu de (Jun Ichikawa 2006)
Tout cela reste un peu littéraire, comme la séduisante idée, formulée par la belle soeur artiste peintre, des deux temporalités parallèles mais différentes dans lesquelles vit le protagoniste. Néanmoins Au printemps, chez Barneys dépasse l’illustration appliquée et touche par un souci perceptible de justesse dans l’observation des gestes quotidiens (la scène de la coupe de cheveux dans le jardin) ainsi que par la remarquable interprétation de Hidetoshi Nishijima qui parvient fort bien à faire sentir la vulnérabilité de son personnage.
On y sent aussi un vrai bonheur de filmer Tôkyo, la ville labyrinthe, de la contempler amoureusement en plan d’ensemble ou de la parcourir en tous sens en empruntant les multiples moyens de transport, métro, voiture, vélo, qui permettent de l’explorer, de s’y perdre et de la redécouvrir sans cesse sous de nouveaux angles.
A noter que la MCJP rend hommage au cinéaste Jun Ichikawa du 26 juin au 26 juillet 2012 en programmant 14 de ses 21 long-métrages.
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