La vie, la mort, en bord de mer
Le 10 mai 2023
Pleine d’ambition, Mati Diop nous livre une proposition de cinéma ultra référencée. Cependant, du fait d’un rythme qui reste monocorde de bout en bout, son mélange des genres demeure globalement assez maladroit.
- Réalisateur : Mati Diop
- Acteurs : Ibrahima Mbaye, Mama Sané, Amadou Mbow, Ibrahima Traore, Nicole Sougou
- Genre : Drame, Fantastique, Thriller
- Distributeur : Ad Vitam
- Durée : 1h45mn
- Date télé : 1er avril 2024 23:43
- Chaîne : TV5 Monde
- Date de sortie : 2 octobre 2019
- Festival : Festival de Cannes 2019
Résumé : Dans une banlieue populaire de Dakar, les ouvriers du chantier d’une tour futuriste, sans salaire depuis des mois, décident de quitter le pays par l’océan pour un avenir meilleur. Parmi eux se trouve Souleiman, l’amant d’Ada, promise à un autre. Quelques jours après le départ des garçons, un incendie dévaste la fête de mariage de la jeune femme et de mystérieuses fièvres s’emparent des filles du quartier. Ada est loin de se douter que Souleiman est revenu…
Critique : Mati Diop a grandi à Paris, mais ses racines sénégalaises lui ont inspiré une envie de dépeindre la situation des jeunes qui, à Dakar, peinent à s’en sortir et rêvent d’horizons plus confortables. Démarrant son récit sur le personnage de Souleiman, un jeune ouvrier au service d’un contremaître qui ne le paie pas, elle fait vite dévier la caméra sur Ada, sa maîtresse, sous le joug d’un mariage forcé qui doit s’effectuer dans les prochains jours. Cette première partie qui, comme de nombreuses comédies romantiques, emprunte allègrement à Roméo et Juliette est véritablement touchante. Et même lorsque Souleiman disparaît, forçant Ada à épouser Omar, le ton romanesque persiste et continue à nous émouvoir.
Difficile alors de dire si Mati Diop avait dès le début en tête l’idée de transformer sa chronique sociale en thriller fantastique, afin d’en appuyer le propos mortifère, ou si le mélange des genres s’est dessiné au fur et à mesure de l’élaboration du script. Toujours est-il que les codes des différents sous-genres que va emprunter la cinéaste se retrouvent emmêlés dans un maelstrom, dont la finalité semble assez difficile à cerner.
- Copyright Les films du bal, 2019
Dès l’instant où les proches d’Ada commencent, un à un, à tomber à malades, il apparaît évident que les enjeux émotionnels, et donc très terre-à-terre, laissent place à quelque chose de plus métaphorique. Mais quoi ? De quoi cette mystérieuse épidémie peut-elle bien être l’allégorie ? Le scénario ne nous permettra jamais réellement de répondre à cette question. Plus embêtant encore, le virage qu’il va prendre, d’abord vers le thriller, puis vers le fantastique, ne s’accompagne d’aucun changement de rythme. Ainsi, une enquête policière construite sur la même dynamique qu’une histoire d’amour ne peut apparaître, dans le second tiers du récit, que comme un ventre mou assez rédhibitoire.
Ne cachant pas son admiration pour Apichatpong Weerasethakul, Mati Diop ne s’autorise pourtant jamais de vraies envolées oniriques, telles qu’elles foisonnent dans le cinéma du Thaïlandais. C’est très certainement ce qui manque le plus à la résolution, encore une fois très prosaïque, de son scénario. La mythologie locale, certes potentiellement très cinégénique, se retrouve diluée dans une histoire bien trop pauvre en tension pour susciter un véritable suspense. Quant au discours politico-social, il est lui aussi bien trop frugal (les pauvres tentent de traverser l’Atlantique et y meurent...), pour permettre à la réalisatrice de donner au cinéma sénégalais la visibilité dont il manque en France. Il ne reste véritablement de son film que la partie la plus touchante, qui réunit deux amoureux au clair de lune. Mais on se demande alors si elle ne s’est pas montrée un peu trop ambitieuse, en voulant convoquer des genres qu’elle ne maîtrise pas.
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e.marthev 28 septembre 2019
Atlantique - Mati Diop - critique
CHEF D’OEUVRE. Un pur moment de cinéma. 1000 ETOILES