Le 16 février 2019
Une approche intelligente et subtile des derniers mois de Van Gogh qui permet à Julian Schnabel de confirmer son savoir-faire et offre un rôle en or à Willem Dafoe.
- Réalisateur : Julian Schnabel
- Acteurs : Willem Dafoe, Mads Mikkelsen, Rupert Friend, Oscar Isaac
- Genre : Drame, Biopic
- Nationalité : Américain, Britannique, Français
- Distributeur : Netflix
- Durée : 1h50mn
- Date télé : 15 février 2019 00:00
- Chaîne : NETFLIX
- Date de sortie : 15 février 2019
- Festival : Festival de Venise 2018
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Un voyage dans l’esprit et l’univers d’un homme qui, malgré le scepticisme, le ridicule et la maladie, a créé l’une des œuvres les plus incroyables et admirées au monde. Sans être une biographie officielle, le film s’inspire des lettres de Vincent van Gogh, d’événements de sa vie, de rumeurs et de moments réels ou purement imaginaires.
Critique : Le projet de réaliser un film sur Van Gogh n’était pas étonnant de la part de Julian Schnabel, peintre néo-expressionniste, figure majeure du marché de l’art depuis les années 80, et qui avait commencé une carrière de cinéaste en 1996 avec Basquiat, biopic élégant et intelligent sur une autre personnalité essentielle de la peinture contemporaine. Quant on sait que Schnabel s’est aussi intéressé aux vicissitudes d’autres artistes tourmentés, les écrivains Reinaldo Arenas dans Avant la nuit et Jean-Dominique Baudy dans Le Scaphandre et le papillon, on ne pouvait qu’être curieux de voir le traitement que réserverait le cinéaste à Vincent Van Gogh. Une inquiétude cependant tempérait ce sentiment : qu’apporterait de plus l’éclairage de Julian Schnabel, après le lyrisme pictural et hollywoodien de La Vie passionnée de Vincent Van Gogh de Vincente Minnelli, la sublime épure de Van Gogh de Maurice Pialat, voire l’ambitieux film d’animation La Passion Van Gogh de Dorota Kobiela et Hugh Welchman ? Le résultat est plus qu’honorable, même si ce n’est pas faire injure à Schnabel d’admettre que son savoir-faire cinématographique, pour subtil qu’il soit, n’atteint pas la dimension de son œuvre picturale.
- Copyright 2018 CBS Films
Mais le réalisateur maîtrise son sujet à fond, et on lui sera reconnaissant d’avoir évité les travers du biopic, à savoir la linéarité biographique à la Wikipédia, le chantage émotionnel, la succession de scènes « à faire » et une interprétation lorgnant vers les « numéros d’acteurs » : At Eternity’s Gate échappe à tout cela et l’on sera sensible à ses ellipses et son art de la suggestion privilégiés à l’académisme de studio. Le scénario se concentre sur les derniers mois de la vie du peintre. Financièrement en difficulté, Van Gogh s’est installé à Arles, entretenu par son frère Theo (Rupert Friend) avec lequel il entretient des rapports ambivalents. Ses relations amicales avec Gauguin (Oscar Isaac) s’avèrent également compliquées, et seule la bienveillance de Madame Ginoux (Emmanuelle Seigner), qui lui servira aussi de modèle, met un peu de lumière dans une existence marquée par le mauvais sort, le manque de reconnaissance, et le mépris de la plupart des autochtones, qui non seulement ne comprennent rien à son art mais le stigmatisent et le harcèlent (stupéfiante scène avec une institutrice étriquée campée par Anne Consigny). Mais Julian Schnabel ne grossit pas le trait et n’insiste pas trop sur la déchéance de l’artiste : il opte pour une série de plans contrastés, allant de la luminosité de la nature provençale (même si de nombreuses scènes ont été tournées en Écosse) aux ténèbres de l’asile psychiatrique de Saint-Rémy-de-Provence, dans une approche qui n’est pas sans évoquer le Bruno Dumont de Camille Claudel 1915.
- Copyright 2018 CBS Films
Il ose même l’ironie mordante, à travers un dialogue savoureux entre le peintre et un prêtre chargé de d’évaluer ses capacités mentales (Mads Mikkelsen), dont nous ne dévoilerons pas le contenu mais qui résume à lui seul l’esprit du film. On saluera également le travail remarquable du chef opérateur Benoît Delhomme, qui a évité l’esthétisme à outrance ; il a déclaré sur le site de l’AFC : « Je crois que nous n’avons jamais répété un plan. L’idée était toujours de construire la scène en un plan unique, de tourner comme si le montage n’existait pas. Julian voulait que j’explore les possibilités dans l’espace avec ma caméra. Il me parlait pendant les prises. On était constamment connectés ». Quant à Willem Dafoe dans le rôle principal, il est tout bonnement époustouflant, habité et émouvant, mais loin du cabotinage que l’on aurait pu craindre ; il a pleinement mérité son prix d’interprétation à la Mostra de Venise. Qu’est-ce qui empêche alors At Eternity’s Gate d’être une réussite totale ? Sans doute les affres de la coproduction donnent-elle parfois l’impression d’être face à un objet hybride, comme l’attestent l’alternance de dialogues en anglais et en français, ou le recours à des comédiens hexagonaux (Almaric, Arestrup…) dont la présence ne semble être justifiée que par les négociations d’agents artistiques. En dépit de cette réserve, At Eternity’s Gate est une œuvre à voir et l’on ne peut que regretter son absence de distribution dans les salles.
- Copyright 2018 CBS Films
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.