Cinéma blues
Le 5 janvier 2014
Seul dans sa cabane, Kim Ki-Duk filme son désespoir dans ce "monceau" de cinéma primé à Cannes dans la sélection Un certain regard. Il souffre, et le spectateur avec. Actuellement disponible en bonus sur le DVD de Pieta.
- Réalisateur : Kim Ki-duk
- Acteur : Kim Ki-duk
- Genre : Documentaire, Expérimental
- Nationalité : Sud-coréen
- Editeur vidéo : M6 Vidéo
- Durée : 1h40mn
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– Sortie du DVD Pieta : 13 novembre 2013
Seul dans sa cabane, Kim Ki-Duk filme son désespoir dans ce "monceau" de cinéma primé à Cannes dans la sélection Un certain regard. Un homme souffre, et le spectateur avec.
L’argument : Arirang est une histoire dans laquelle Kim Ki-duk joue trois rôles. A travers Arirang, je franchis une colline de ma vie. A travers Arirang, j’essaie de comprendre l’Homme, je remercie la nature et j’accepte ma condition actuelle.
De nos jours, entre le monde des hommes, où s’entremêlent des désirs, le monde des fantômes, rempli de chagrin et le monde imaginaire, où se cachent nos rêves, nous devenons fous, sans début ni fin.
Qu’est-ce que l’affection, de stagner ici et là dans mon coeur et de pourrir ainsi ? Pourquoi reste-t-elle au sommet de ma tête pour questionner mes émotions ? Pourquoi se cache-t-elle au fond de mon coeur pour éprouver ma compassion ? Quand je n’ouvre pas mon coeur à quelqu’un, je deviens une personne mauvaise et je l’oublie, mais quand je lui ouvre mon coeur, je ne peux jamais le laisser partir, comme un lâche.
Ô Arirang. Oui. Entretuons-nous cruellement dans notre coeur jusqu’à la mort.
Aujourd’hui aussi, en me contrôlant, je me laisse envahir par la rage, en souriant, je tressaille de jalousie, en aimant, je hais, en pardonnant, je tremble avec une envie de tuer. Attendez voir. Je vais me tuer, moi qui me souviens toujours de vous.
Le film est actuellement disponible en bonus du DVD Pieta :
Notre avis : On peut craindre que pour réaliser un film tout seul, sans l’aide de (presque) personne, il faille être doté d’un caractère extrêmement solitaire, ou bien extrêmement mégalomane. Et c’est la question qui traverse constamment le spectateur à la vision du très déroutant Arirang, écrit-tourné-monté par Kim Ki-Duk, et qui inaugure pourrait-on dire un nouveau genre, celui du "film d’ermite". Après l’ère de la caméra vidéo qui tenait dans la main, voici celle de l’appareil photo convertible en caméra de cinéma ; armé de son 5D, le cinéaste filme son environnement immédiat, son quotidien, lui-même bien sûr, et ces autres parties de lui-même qu’il semble découvrir (son ombre, son double ivre, etc.). On assiste au résultat d’une transformation : l’ex-star montante du cinéma coréen est devenu un ivrogne bouffi, en jogging, les cheveux sales et la bouche pâteuse. Le début du film est par là même d’une austérité perturbante : on pénètre lentement - et en abolissant progressivement ses propres doutes - dans la compréhension de ce dispositif autocentré, dont le centre névralgique devient la petite tente que Kim Ki-Duk a installé à l’intérieur de sa cabane, faute de chauffage suffisant, et qui lui tient lieu à la fois de lieu de couchage et de salle de montage. Une fois le premier quart d’heure passé, il n’est plus permis de douter : les seuls personnages auxquels nous aurons droit seront bien le réalisateur et son chat. Où l’on découvre aussi que Kim Ki-Duk est un bricoleur de génie - il nous montre avec une naïveté bien feinte la cafetière à expresso et les différents outils dont il est l’inventeur.
Une idée prometteuse donc, et qui relève du défi : comment faire un film de cinéma qui reprenne les outils dont font montre quotidiennement des milliers d’usagers de YouTube ? Et c’est là que le bât blesse pour Arirang ; car si certains plans relèvent bien d’une intuition cinématographique, tissant comme une sorte d’autodocumentaire, le film dans sa continuité tourne rapidement en rond. Inlassablement, Kim Ki-Duk mange (des nouilles, de préférence), Kim Ki-Duk boit (et abuse de la boisson), Kim Ki-Duk marche dans la neige (et en ressort les pieds minés par les crevasses), Kim Ki-Duk part se coucher, et surtout Kim Ki-Duk se plaint. "Arirang" est le titre d’une chanson traditionnelle coréenne en forme de complainte amoureuse et de nostalgie d’un pays perdu ; on l’entend à l’envi dans le film, interprétée en larmes par le cinéaste qui pleure sa patrie perdue de cinéma. Tout le long, le réalisateur s’explique et nous explique son abandon du cinéma traditionnel, suite - entre autres circonstances - à un accident presque fatal survenu sur le plateau de Dream. S’ajoutent à cela sa déception vis-à-vis du système, les différentes "trahisons" de ses ex-collaborateurs, cet effet boule de neige résultant en un syndrome de la page blanche et une dépression qui lui étaient jusque-là inconnues. La caméra d’Arirang est donc comme un exutoire, un outil de psychanalyse pour le cinéaste... Soit. Pourtant, le problème tient à ce que ce déversement de plaintes n’apporte en réalité pas grand-chose au cinéma lui-même, tant dans ce que Kim Ki-Duk peut relater de sa propre expérience de cinéma que dans l’autocomplaisance difficilement supportable qu’il exprime à chaque plan du film. On est tenté, plus d’une fois, de croire au second degré (et difficile de penser qu’il n’y a pas d’humour lorsque le réalisateur se fait interviewer par son ombre), mais au moment où le montage fait entrer en jeu une séquence d’un des films de Kim Ki-Duk (au visionnage de laquelle celui-ci hurle de douleur), suivie par une galerie de photos du cinéaste en action, il y a bien là délit de mégalomanie sévère. Une expérience peut-être intéressante pour un court-métrage ; sur 1h40 de film, l’ensemble (monté à la hache, mal mixé et trop fort) devient pénible à regarder. "Les festivals me manquent", interpelle Kim Ki-Duk, comme un message au monde cinématographique. Le jury d’Un certain regard l’aura écouté... Libre aux autres de se faire leur propre avis.
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