Le 21 février 2024
Jadis doué, Matthew Vaughn se perd - et nous aussi - dans un récit d’espionnage criard, mal fichu et interminable. Même pas drôle.
- Réalisateur : Matthew Vaughn
- Acteurs : Sam Rockwell, Samuel L. Jackson, Bryce Dallas Howard, Richard E. Grant, Catherine O’Hara, John Cena, Henry Cavill, Bryan Cranston, Ariana DeBose, Dua Lipa, Jing Lusi
- Genre : Action, Thriller, Espionnage
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Universal Pictures France
- Durée : 2h15mn
- Date télé : 19 octobre 2024 22:32
- Chaîne : Canal+
- Titre original : Argylle
- Date de sortie : 31 janvier 2024
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Résumé : Elly Conway est l’auteure solitaire d’une série de romans d’espionnage à succès, dont l’idée du bonheur se résume à une soirée tranquille à la maison avec son ordinateur et son chat, Alfie. Mais lorsque les intrigues de ses livres, centrés sur l’agent secret Argylle et son combat pour démanteler un réseau d’espions mondial, commencent à ressembler étrangement aux opérations secrètes d’une véritable organisation d’espions, sa tranquillité ne devient plus qu’un souvenir. Aux côtés d’Aidan, un espion pourtant allergique aux chats, Elly n’hésite pas à embarquer Alfie dans son sac à dos pour mieux se lancer dans une course contre la montre aux quatre coins de la planète afin de distancer de dangereux tueurs et empêcher ses fictions de dépasser la réalité.
Critique : En 2002, Goldmember, dernier volet de la franchise Austin Powers, s’ouvrait par une séquence de « film dans le film » ; le plus mal denté des agents secrets britanniques y était joué par Tom Cruise (et Docteur Denfer par Kevin Spacey, Mini-Moi par Danny DeVito, etc.), le tout sous la direction de Steven Spielberg. Tout cela ne volait certes pas bien haut mais avait au moins le mérite de boucler la boucle d’une saga ayant fait du pastiche graveleux du film d’espionnage anglais son seul horizon cinématographique – depuis les James Bond ère Connery jusqu’au Harry Palmer incarné par Michael Caine en passant par l’éphémère saga Notre homme Flint, portée par James Coburn. On ne sait si Matthew Vaughn goûte Goldmember mais on y songe en tout cas furieusement en voyant Argylle, son nouvel opus d’espionnage après Kingsman, saga déjà en panne sèche au bout de trois films. La mauvaise nouvelle, c’est que cette vaste blague, cette fiction auto-parodique, ne dure plus seulement une séquence pré-générique mais le (long) temps du film tout entier.
- Dua Lipa
- © 2024 Universal Pictures. Tous droits réservés.
Vaste blague, donc, débutée dès la préproduction du film, supposément basé sur les livres de la romancière Elly Conway, laquelle… n’existe pas et est tout simplement le nom du personnage interprété dans Argylle par Bryce Dallas Howard, alors que le héros typiquement bondien interprété par le ciselé Henry Cavill est en réalité une simple créature de papier – duperie révélée dès la bande-annonce. À moins que l’agent Argylle n’existe pas lui non plus, comme nous le laisse à penser la fin du film ? On vous en laisse juges, moins pour laisser le suspense intact que parce qu’on peine à démêler quelque chose de scénario erratique et (inter)minable, faits d’épuisants allers-retours entre les différents niveaux diégétiques, d’atermoiements amoureux dignes d’un mauvais vaudeville et d’effets spéciaux criards, indignes d’un spectacle budgété à deux cents millions de dollars. Nul doute que Vaughn connaît sur le bout des doigts le genre auquel il s’attaque, qu’il s’agisse de cinéma ou de littérature (John Le Carré et Frederick Forsyth sont cités au détour d’une réplique) et voit sans doute son film comme l’alliance idéale de la frénésie d’un Mission : Impossible et de la patte décalée d’un OSS 117. On est malheureusement plus près de Bons Baisers de Hong Kong, avec Les Charlots.
- Jing Lusi, Henry Cavill
- © 2024 Universal Pictures. Tous droits réservés.
Les interprètes sont à peine mieux lotis : les pourtant talentueux Sam Rockwell, Samuel L. Jackson, Bryan Cranston, John Cena (mais si !) et Catherine O’Hara sont tous gâchés à des degrés divers dans des rôles qui tiennent hélas moins de personnages clairement définis que de la chair à canon, dans un récit qui pratique la fuite en avant par peur de faire du surplace. Pour leur défense, jouer quasiment à armes égales avec un chat – mal – généré par images de synthèse n’incite sans doute pas à mettre du cœur à l’ouvrage.
- John Cena, Henry Cavill
- © 2024 Universal Pictures. Tous droits réservés.
Plus que tout le reste, c’est son usage à plusieurs reprises de la « nouvelle » chanson des Beatles, Now and Then, qui symbolise le mieux le film. Argylle poursuit, à peu de choses près, le même but que cette remarquable exploitation patrimoniale rendue possible grâce à l’intelligence artificielle : capitaliser à peu de frais sur un hypothétique âge d’or anglais, en matière de pop music comme de récits d’espionnage. Comme pour nous dire que tout était mieux avant, avant le Brexit et le « Royaume désuni » (courtesy of Jonathan Coe) et mérite tout de même bien qu’on s’y accroche, quitte à n’avoir rien de neuf à dire et faire dans la nostalgie de bazar. Décidément : quelle époque, mes aïeux, quelle époque !
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