Le 23 septembre 2018
- Réalisateur : Matthew Vaughn
- Voir le dossier : Kingsman
Le réalisateur des deux précédents opus, Matthew Vaughn, rempile officiellement. Retour sur sa dynamique carrière.
- (c) 20th Century Fox
Après avoir œuvré, au début du millénaire, à l’éclosion de son acolyte Guy Ritchie (il a produit ses premiers films, Arnaques, crimes et botanique, Snatch et A la dérive), Matthew Vaughn passe derrière la caméra à l’occasion de l’adaptation du roman de JJ Connolly, Layer Cake, en 2004, qu’il produit avec sa jeune société Marv, en métamorphosant Daniel Craig en mystérieux mafieux qui souhaite mettre un terme à sa mirobolante carrière de trafiquant de cocaïne. Cette incursion première dans la réalisation est un succès pour Vaughn : les faibles coûts du métrage sont largement rentabilisés sur son sol, et cette audience lui permet aussitôt de migrer vers les États-Unis, où le film a été remarqué – contrairement à la France, pays dans lequel le long-métrage, chétivement distribué (une vingtaine de copies seulement), passera relativement inaperçu.
Tandis que son comparse Ritchie poursuit dans la veine du film de gangster de ses débuts (Revolver, RockNRolla), Vaughn passe derechef à la vitesse supérieure en s’attelant à l’exigeante adaptation du roman graphique Stardust – traduit par le plus conventionnel Le mystère de l’étoile sous nos latitudes –, dont le réalisateur est féru. Disposant d’un confortable chèque de 70 millions de dollars et de la confiance de l’auteur de l’œuvre originale Neil Gaiman, Vaughn soigne son affiche (Claire Danes, Michelle Pfeiffer, Robert De Niro en méchant, Ian McKellen en narrateur, la première prestation de Mark Strong chez Vaughn – début d’une longue et fructueuse collaboration –, et le jeune Charlie Cox) tout en mêlant tournage en décors réels splendides (le long-métrage a été tourné en Islande, en Ecosse, ainsi que dans divers villages médiévaux) et effets spéciaux à la pointe. Surfant sur la vague de films merveilleux pour enfants, qui étaient alors légion, cette deuxième production Marv ne brilla pas par ses résultats au box-office (moins de quarante millions de billets verts récoltés aux Etats-Unis, contre trente en Grande-Bretagne) et ne passionna pas les foules françaises (moins de 500 000 entrées), bien que son budget se fût remboursé à l’international (le film amassa un butin global de 135 millions de dollars).
- Robert de Niro incarne le vilain capitaine Shakespeare dans Stardust - le mystère de l’étoile / Copyright Paramount Pictures France
À la suite de la réalisation de ce conte de fantaisie, Vaughn se recentre sur son activité de producteur, en cosignant et produisant L’affaire Rachel Singer, du vétéran John Madden (réalisateur du multi-récompensé Shakespeare in love, puis, plus récemment, du diptyque à succès Indian Palace), et en produisant le premier film de Daniel Barber (dont on attend toujours le second film, The keeping room, tourné depuis 2013), Harry Brown, avec Michael Caine dans le rôle d’un ancien soldat confronté à la violence des quartiers londoniens. Les film sortent en 2011, et sont tous deux de rudimentaires succès publics.
- (c) Surreal Distribution
- Michael Caine crépusculaire dans Harry Brown, produit par Matthew Vaughn.
Parallèlement à ses activités de producteur, Matthew Vaughn, qui commence à assoir sa place à Hollywood, est courtisé par Marvel pour mettre en scène Thor, film que réalisera finalement Kenneth Branagh, mais qui permettra au réalisateur britannique de rencontrer l’auteur de la bande dessinée déjantée et irrévérencieuse Kick-Ass : Mark Millar, qui deviendra, comme chacun sait, l’un de ses fidèles associés. La première adaptation de l’une de ses œuvres, Wanted – choisis ton destin, mise en scène par Timur Bekmambetobv, a été un succès retentissant, raflant 340 millions de dollars à travers le monde, pour un budget de 75 millions de dollars – et ce, malgré la violence, les excès et le langage impoli d’un long-métrage fort braque. Entamant une étroite collaboration avec l’auteur, qui se coiffe de la casquette de coproducteur, Vaughn entreprend d’écrire le scénario du film, avant d’entrer dans la délicate phase de distribution. Il engage finalement, après pléthore de tergiversations, Aaron Taylor-Johnson pour incarner le jeune homme qui se rêve justicier, la mineure Chloë Grace Moretz en Hit Girl, fille de Big Daddy, super-papa et super-héros déchaîné joué par le grand Nicolas Cage, ainsi que le fidèle Mark Strong, qui prête le charisme de ses traits à Franck D’Amico, parrain de la mafia locale et antagoniste des justiciers (seulement) masqués. Est octroyée au long métrage une trentaine de millions de dollars, le verbiage discourtois associé à la violence graphique des nombreuses scènes d’échauffourées rendant inconciliable de plus amples moyens. Vaughn, qui vient avec ce projet moins coûteux de trouver une voie nouvelle, directement héritée du style de Millar, n’en a cure, l’idylle avec ce dernier étant au beau fixe – durant le tournage, les fondations de Kingsman sont même évoquées.
- Un duo de choc (c) Metropolitan FilmExport
Le film sort dans les salles en 2010, et l’engouement est réel, tout un chacun louant les qualités plastiques du film hybridées avec son esprit impertinent, créant un dosage au cordeau, acide et servi par des acteurs à leur meilleur : le divertissement politiquement incorrect fait des ravages (son seul équivalent en la matière étant peut-être le Super de James Gunn – loin de l’affreusement conventionnel Deadpool), le long-métrage amassant une cinquantaine de millions de dollars sur son sol, et près du double à l’international. Une suite mal-aimée, que Vaughn se contentera de produire – se pâmant alors de ne tourner que des films « originaux » – réalisée par Jeff Wadlow, verra trois ans plus tard le jour, tentant de pousser les curseurs de désordre plus loin encore, pour un résultat pourtant moins frais et maîtrisé. Le résultat très tiède au box-office de ce second Kick-Ass (un coût similaire au premier et 65 millions de dollars finalement rapportés) enterrera toute idée d’un éventuel troisième opus, jusqu’à ce que, peu après la sortie du Cercle d’or, Vaughn lui-même annonce non sans surprise l’élaboration d’un épisode antécédent au film inaugural, qui se concentrerait sur la relation Hit Girl-Big Daddy.
- Kick-Ass en action / (c) Metropolitan FilmExport
Entre deux films qu’il accompagne en tant que producteur (Kick-Ass 2, donc, mais aussi la catastrophe industrielle Les 4 fantastiques, de Josh Trank), Matthew Vaughn se charge pour la première fois d’un film de studio – Guy Ritchie, lui, était déjà passé de l’autre côté avec ses appréciés Sherlock Holmes, et poursuivra dans cette voie avec les moins appréciés Code U.N.C.L.E et Le roi Arthur – : il est chargé par la Fox de lancer la nouvelle mouture de ses X-men, chapeautée par le chef d’orchestre de la franchise Bryan Singer – qui délaisse le rôle de réalisateur au profit du long-métrage Jack le chasseur de géants, dispendieuse superproduction qui ne rentrera pas dans ses frais. Au programme : lancement d’une trilogie neuve, avec distribution renouvelée composée de jeunes et prometteurs talents (Jennifer Lawrence, James McAvoy, Michael Fassbender en tête de gondole) et exploration de la jeunesse des protagonistes. Prenant à cœur sa mission, Vaughn emballe l’un des plus efficaces épisodes de la saga, qui, s’il ne remboursera pas son budget sur le seul sol américain, parviendra à cumuler 350 millions de billets verts dans le monde, soit un score plus que correct, doublé par d’excellentes critiques.
- Kevin Bacon est aussi de ce Commencement (à droite) / (c) Twentieth Century Fox France
Au sortir des manettes de la commande de la Fox, Vaughn, à l’instar de Ritchie, qui se lance dans la production d’espionnage Warner Code U.N.C.L.E, s’attelle à un autre récit mettant en vedette des espions, l’adaptation de la bande dessinée Kingsman, toujours signée Mark Millar. Le style est voisin de celui qui fit le succès de leur première coentreprise, à savoir la reprise des codes d’un genre et d’une culture, dans un habillage qui ne lésine pas sur la violence tout en étant plus ambitieux : le budget est de 80 millions de dollars, et le réalisateur adopte une mise en scène qui se veut inédite et virevoltante, avec plans-séquences de castagne reliés numériquement et accélérés en post-production, intrigue défraîchie du jeune super-espion né dans la banlieue s’adaptant parfaitement aux nouvelles mœurs du gentilhomme britannique, et sauvant le monde par la même occasion d’un méchant incarné par un Samuel L. Jackson en roue libre, avant de coucher avec la princesse en clôture d’un long-métrage inégal, se voulant grand huit ultra jouissif, dont les délires sont une nourriture avant tout destinée aux adolescents, mais dont la violence de surface et la gravité parfois appuyée semblent antinomiques avec le premier ingrédient de la recette. Celle-ci, contrairement à Code U.N.C.L.E, fait un tabac et rapporte la jolie somme de 414 millions de dollars de recette à travers le monde. Ce qui offre à son réalisateur désormais adulé l’occasion de remettre le couvert.
- (c) 20th Century Fox
En effet, deux ans plus tard débarque Kingsman : le cercle d’or, vendu comme une continuation complètement déjantée du premier long-métrage (la bande-annonce est un joyau de rythme, Colin Firth, abattu d’une balle en pleine tête dans le premier opus, est sur toutes les affiches, accompagné d’Elton John, de Julianne Moore en méchante, de Mark Strong, dernier rescapé de l’étripage de tous les agents britanniques, et de pléthore de voisins américains en invités de prestige : Channing Tatum, Jeff Bridges et Halle Berry), avec un budget surélevé (un peu plus de 100 millions de dollars). Le programme est plus qu’alléchant : méchamment aguichant, Vaughn promettant une véritable merveille d’action survitaminée. Pourtant, malgré des résultats similaires au premier opus (410 millions de dollars de recette pour le Cercle d’or), le réalisateur, dès l’abominable première scène, fait preuve d’une dégoulinante démesure (les effets spéciaux, épouvantables, vieillissent instantanément), d’une vulgarité rance et d’un canevas narratif suranné. Les Statesman n’ont aucune utilité, sinon la figuration et une promesse jamais tenue, et les scènes d’action en plan-séquence numérique sont infâmes : la déception est de taille pour beaucoup – d’aucuns y voient cependant un tourbillonnant film d’action.
- (c) 20th Century Fox
- Jeff Bridges, piqué de n’apparaître qu’une dizaine de minutes dans le Cercle d’or.
À la suite de ce succès, Matthew Vaughn s’excite : en sus d’un nouveau Kick-Ass (évoqué précédemment), il caresse l’idée de développer son univers d’espions, avec un troisième opus censé se tourner très prochainement. Mais, bouillonnant, il ne s’arrête pas là : un film dérivé se passant au vingtième siècle intitulé Le grand jeu serait en préparation, ainsi qu’une mini-série d’une dizaine d’heures, et un autre long-métrage dédié aux cousins américains des Hommes du Roi. Depuis ces tonitruantes annonces clamées un jour pluvieux de juin 2018, on n’avait plus de nouvelles. Jusqu’à aujourd’hui, c’est désormais officiel : si l’on ne sait si le réalisateur parviendra à assouvir tous ses désirs, Kingsman est en tout cas bien parti pour être une trilogie, se dotant d’une date de sortie américaine (le 8 novembre 2019) et d’une certitude : Matthew Vaughn écrira et réalisera cet épisode, nouvelle pierre à l’édifice mûrement construit qu’est sa carrière.
- (c) 20th Century Fox
- (c) 20th Century Fox
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