Le 19 mars 2021
A vouloir aborder tant de sujets polémiques, Nancy Huston se perd et n’hésite pas à choquer son lecteur avec des comparaisons sans doute trop rapides et simplistes.
- Auteur : Nancy Huston
- Editeur : Actes Sud
- Genre : Roman
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 3 mars 2021
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
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Résumé : Quand s’ouvre ce livre, Shayna, qui n’est plus une enfant, arrive à Ouagadougou. Nous sommes en 2016. Elle porte en elle toutes les questions et contradictions de notre temps, celles du féminisme, de la procréation, mais aussi du genre et de la laïcité. Au récit de son enfance viennent se mêler des bribes de celle de son père et de celle de sa mère, formant un tourbillon entre passé et présent.
Critique : Nancy Huston dénonce l’esclavage moderne, l’oppression qui a toujours cours des « Beiges » sur les « Marrons » (uniques termes employés par l’auteure) aux États-Unis et ailleurs. En racontant en parallèle l’enfance de Lili Rose, celle de Joel puis de Shayna, elle fait converger ses personnages les uns vers les autres, raconte leur présent en même temps que leur passé. Shayna est une fillette noire qui grandit entourée de ses deux parents blancs. Elle a vite le sentiment de détonner dans ce foyer, pourtant elle a été désirée et chérie tant par Joel que par Lili Rose. Les circonstances de sa naissance, qui ne lui ont jamais été cachées, la hantent, cette réalité prenant peu à peu corps dans son esprit alors qu’elle entre dans l’adolescence. Rapidement, elle fait le pendant entre son entrée dans le monde et l’oppression dans les plantations de coton : ce cheminement apparaît en filigrane alors que quelques lignes écrites de sa main, à la première personne, apparaissent comme un leitmotiv, viennent rompre la partie de la narration qui lui est dédiée. Nancy Huston emploie le « tu » pour ce récit entremêlé aux deux autres, qui adopte un ton tout aussi grave et aborde autant de sujets polémiques – trop sans doute. Les parents de Joel sont des réfugiés de la Shoah, sa judéité pesant sur lui durant une bonne partie de sa vie ; Lili Rose a été abusée pendant son enfance dans une famille WASP avant de découvrir les débuts du féminisme pendant une année universitaire à Paris, en 1974 – les études de genre naissant pourtant aux États-Unis, réalité que semble négliger Nancy Huston ; la vie de Shayna est associée à un prix.
Pour rappeler que les vies racontées se rattachent à un contexte historique, l’auteure dissémine ici et là des paragraphes évoquant l’Irak, le Vietnam ou l’Iran, sans les relier pour autant à ses protagonistes – au contraire. Cette tendance à découper les silhouettes, à les faire émerger d’un fond flou aboutit à une mise à distance entre les héros et le fond du récit, que le lecteur ressent également. Il ne s’attache pas vraiment aux trois personnages, malgré la narration omnisciente.
Enfin, le « tu », qui s’associe aux passages centrés sur Shayna, semble presque avoir pour objectif de préserver Nancy Huston de toute accusation d’appropriation culturelle. Si cette théorie contredit l’idée même de fiction, le lecteur ne peut s’empêcher ici d’éprouver la sensation qu’elle n’est pas vraiment à sa place pour évoquer ce qu’elle évoque, pour comparer les mères porteuses et l’asservissement des Noirs-Américains, les viols des esclaves. Cela fait sourdre un vague sentiment de malaise qui s’accroît au fil de la lecture.
Nancy Huston - Arbre de l’oubli
Actes Sud
11.50 x 21.70 cm
320 pages - 21 €
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