La vie des autres
Le 16 avril 2021
Ce beau portrait de femmes, témoignage des méfaits du stalinisme, est l’une des œuvres les plus accomplies du cinéma hongrois.
- Réalisateur : Károly Makk
- Acteurs : Mari Töröcsik, Lili Darvas, Iván Darvas, Erzsi Orsolya , Laszlo Mensaros
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Distributeur : Clavis Films
- Editeur vidéo : Clavis Films
- Durée : 1h24mn
- Reprise: 21 décembre 2016
- Titre original : Szerelem
- Date de sortie : 26 janvier 1972
- Festival : Festival de Cannes 1971, Festival de Cannes 2016
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Budapest, 1953. Pendant les années staliniennes les plus dures en Hongrie. Le régime de Rakosi multiplie les arrestations arbitraires et de nombreux opposants sont enfermés en secret. Luca vit ainsi dans l’angoisse de ne pas savoir si son mari Janos est vivant ou non. Désirant protéger sa belle-mère malade,elle invente que son fils est en Amérique où il travaille sur un film. La vieille dame vit dans l’attente de la prochaine lettre contant les histoires invraisemblables de son fils devenu là-bas un cinéaste renommé.
Critique : Moins connu que Miklós Jancsó ou Marta Mészaros, Károly Makk est un cinéaste hongrois important, qui a eu le mérite de concilier intimisme psychologique, élégance stylistique et critique politique, ce qui était particulièrement courageux dans un pays autoritaire. Il fut aussi l’un des rares réalisateurs d’Europe de l’Est à avoir abordé ouvertement le thème de l’homosexualité avec Un autre regard, qui permit à Jadwiga Jankowska-Cieslak d’obtenir le prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes en 1982. Prix du Jury en 1971, Amour, inspiré de deux nouvelles de l’écrivain Tibor Déry, est d’abord le beau portrait de deux femmes en souffrance en raison de l’absence du même homme. La bienveillance de Luca envers sa belle-mère révèle l’humanité d’une population qui reste unie et solidaire au-delà de brimades que fait subir un pouvoir totalitaire. Du personnage de Janos, nous ne saurons pas grand-chose, mais son drame et ses conséquences sur son entourage se lisent sur le visage de Luca.
Une contraction de son regard, un geste de fatigue révèlent au spectateur qu’elle s’est sans doute privée de manger pour offrir un bouquet de fleurs à la vieille dame, pas seulement pour respecter un rituel familial, mais pour exorciser sa douleur et manifester la tendresse qu’elle ne peut procurer à son mari. La parole n’est pas rare dans Amour, mais les véritables sentiments s’inscrivent dans le non-dit ou le sous-entendu, loin d’une démarche pleurnicharde et sentimentaliste. Au-delà des déboires affectifs de cette Pénélope hongroise, Amour est subtil dans la description des persécutions et humiliations que doit subir toute épouse de prisonnier politique. L’absurdité bureaucratique de la dictature et les lâchetés du quotidien sont montrées avec plus de force que bien des films engagés, ce qui n’empêche pas le réalisateur de s’inspirer du meilleur cinéma européen intimiste de l’époque. Les retrouvailles des deux époux ont la profondeur du cinéma de Bergman, quand Károly Makk semble plutôt s’inspirer de Bresson en jouant sur les silences, les plans sur les objets, l’ébauche des gestes ou la force des regards.
On pourra même trouver des liens avec le Resnais de Muriel par ces plans furtifs révélant un bonheur passé. Cette structure éclatée fait également la force du film, épuré et poétique, au noir et blanc envoûtant. « Je trouvais que l’histoire n’était pas assez riche. Quand on adapte un livre, il faut se rendre à l’évidence, le film n’a pas le même pouvoir que la littérature en terme de récit. Je souhaitais ajouter quelque chose. Dans le cas de la mère par exemple, je trouvais ennuyeux de la montrer simplement couchée dans son lit. Je voulais exposer ses rêves, ses sentiments, de manière visuelle […] Et c’est pourquoi en terme de montage, il n’y a pas de structure linéaire », a précisé le réalisateur. Amour est bien servi par ses deux interprètes. Grande dame de la scène hongroise, Lili Darvas est bouleversante dans un rôle qui aurait pu être affecté par le pathos. Mari Töröcsik incarne avec délicatesse la prêtresse d’un amour plus fort que l’inhumanité d’une société sclérosée.
– Année de production : 1971
– Festival de Cannes 1971 : Prix du Jury
– Sélection Cannes Classics 2016
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.